Appel à communications

Colloque International : Unix en Europe : entre innovation, diffusion et héritage

12 mai 2017
30 juin 2017

Le colloque se déroulera au Cnam, le 19 octobre 2017 - horaires et salles à préciser. 

Les communications et les discussions auront lieu en français ou en anglais.

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Ce colloque explorera le développement du célèbre système d'exploitation d’Unix en Europe et à l’international, dans ses dimensions historiques et sociologiques, philosophiques et épistémologiques, patrimoniales. Il s’adresse aux chercheurs en sciences sociales, historiens, philosophes, conservateurs du patrimoine intéressés par l’histoire d’Unix et des systèmes et logiciels ouverts, ainsi qu'à la communauté d’acteurs et témoins ayant connu et participé à son histoire.

Appel à communication pour le colloque international

Unix en Europe : entre innovation, diffusion et héritage

Le système Unix est né dans les années 1970 à la croisée du monde industriel (laboratoire de R&D chez AT&T) et du monde scientifique (réseau de l’Université de Berkeley), et s’est rapidement démarqué par une adoption internationale dans les milieux de la recherche en informatique. Le succès d’Unix, d’abord implémenté sur les mini-ordinateurs, avant de devenir plus largement compatible avec le reste du parc informatique, a été encouragé par ses qualités de système ouvert, multi-utilisateur et multitâche permettant l’expérimentation logicielle. Dans le contexte européen, en particulier en France, comment cette innovation américaine a-t-elle été diffusée, transposée, et adaptée ? Pourquoi Unix a-t-il intéressé les milieux informatiques européens, et pourquoi continue-t-il aujourd’hui de les intéresser ? Cela suppose une appropriation et une construction d’une culture Unix consolidée, qui perdure et constitue un héritage dans les mémoires de ces milieux, en sus de la longue et complexe histoire de ses versions. La mémoire des utilisateurs Unix est vive, portée très tôt par des enquêtes dans les milieux de la recherche et du développement (Salus, 1994), ainsi qu’une pratique de sauvegarde patrimoniale avancée (Toomey, 2010). Le système est un référent important dans l’histoire de l’informatique, en particulier dans le champ des logiciels libres (Kelty, 2008) et des réseaux (Paloque-Berges, 2017) et dans la philosophie des langages (Mélès, 2013).

Afin d’explorer la variété de ces questions, ce colloque s’adresse aux chercheurs en sciences sociales, historiens, philosophes, conservateurs du patrimoine intéressés par l’histoire d’Unix et des systèmes et logiciels ouverts. Ce colloque s’ouvre également plus largement à la communauté d’acteurs et témoins impliquée dans les réflexions autour d’Unix et la transmission de sa mémoire. Nous souhaitons, dans ce colloque, discuter et éclairer plusieurs aspects du développement d’Unix en Europe et à l’international, dans ses dimensions historiques et sociologiques, philosophiques et épistémologiques, patrimoniales – et cela selon 3 axes prioritaires.

1/ Approches historiques et sociologiques

Unix est historiquement associé aux développements et à la promotion de la recherche sur les systèmes ouverts et les réseaux informatiques. Comment cette dimension rencontre-t-elle le contexte des politiques industrielles, scientifiques et technologiques définies au niveau national et européen ? L’histoire d’Unix s’interroge à plusieurs échelles : (1) l’innovation , les milieux et les pratiques innovantes des laboratoires de recherche et de développement dans les universités et des entreprises ayant participé au développement ou à la diffusion d’Unix; (2) celle des orientations scientifiques et politiques concernant les systèmes ouverts (normes et standards) ; (3) au niveau des relations internationales voire géopolitiques et géostratégiques (relations entre utilisateurs d’Unix en Europe et à l’international, avec des utilisateurs d’autres équipements informatiques au niveau logiciel ou matériel, le rôle des embargos américains dans la diffusion du système et des machines qui le supportent, l’utilisation par les militaires…).

Parallèlement, comment les milieux de la recherche en informatique diffusent-ils, adoptent-ils, encouragent-ils, négocient-ils des pratiques et des innovations liées à Unix ? Cela pose la question de la légitimation de ces pratiques dans le milieu scientifique – et de leur accompagnement de la reconnaissance des sciences informatiques expérimentales dans le champ scientifique et au-delà. Mais cela permet d’interroger également les résistances opposées à Unix, l’ignorance ou la non-reconnaissance, ou encore les limites du système Unix et de ses outils logiciels, ainsi que de son environnement matériel (à commencer par les machines PDP et Vax de Digital Equipment qui accueillent le système dans ses premières versions). En se focalisant sur les milieux informaticiens, on pourra :

- interroger le rôle des développeurs, utilisateurs, des associations ; ceci aussi bien du point de vue des « pionniers » que des acteurs qui jouent un rôle d’implémentation et de maintenance ;

- se pencher sur ce qui détermine la diffusion, l’adoption, l’évolution dans le temps des systèmes Unix ;

- réfléchir aux concepts qui font le terreau de la « philosophie Unix » et de l’éthique de ses programmeurs – autonomie, ouverture – revendiquées dans les pratiques Unix, et ceci du point de vue social, économique comme politique.

2/ Approches philosophiques et épistémologiques

Nous souhaitons encourager les réflexions à l’articulation entre fondements théoriques sur les systèmes et pragmatisme de l’ingénieur, entre philosophie des systèmes et pratiques unixiennes.

Les acteurs de la conception et de la diffusion d’Unix revendiquent souvent une « philosophie Unix ». Mais au-delà des déclarations de principe, quelle influence réelle cette idée a-t-elle eu dans les choix techniques présidant à ses développements ? Quelles sont les motivations éthiques, morales, et philosophiques – en perspective avec les autres dimensions sociales, économiques et politiques dégagées plus haut –, qui sous-tendent l'adoption d'Unix ou prétendent la prolonger (par exemple sur des notions de partage, de modularité ou de liberté) ? Comment se pense l’idée d’ouverture attachée aux pratiques d’Unix et à son héritage (logiciels libres, open source), et quels développements théoriques peut-on en tirer (par exemple l’idée open software) ?

Ceci nécessite de (re)poser la question des fondements logiques et mathématiques d’Unix. Les concepts fondamentaux d'Unix ont-ils une portée ontologique ou métaphysique au-delà de la seule recherche d'efficacité technique ? Quelle est la part de l'esthétique dans la formulation des principes généraux et dans les choix techniques ? Quelles analyses peut-on faire des langages de programmation tel le C et ses suites, des scripts, des programmes, plus généralement des codes sources proliférant d’Unix ? Comment envisager le système, l’environnement logiciel, voire matériel, dans lequel Unix s’implémente et s’exécute ?

Ces questions philosophiques s’étendent également aux modalités de la transmission d’Unix, interrogeant la place respective de la théorie et de la pratique dans l’enseignement du système ou de connaissances et outils qui le sous-tendent ou auxquels il sert de support.

3/ Patrimoine et patrimonialisation d’Unix

Certaines institutions et de nombreuses associations se mobilisent pour construire et conserver le patrimoine matériel et immatériel de l’informatique – comme par exemple l’archive mondiale du logiciel (Software Heritage) à l’INRIA en France. Le Musée des arts et métiers, notamment, a impulsé l’initiative MINF (« Pour un Musée de l’informatique et du numérique ») et coordonne la Mission Patstec, de sauvegarde du patrimoine scientifique et technique contemporain, dont l'informatique. A l’échelle internationale, et avec un élan communautaire porté par des utilisateurs d’Unix, l’association TUHS (The Unix Heritage Society) témoigne de l’intérêt porté aujourd’hui au patrimoine spécifique lié à Unix. Nous souhaitons encourager une réflexion sur ce patrimoine et ses spécificités :

- Quelle place possède Unix dans la construction du patrimoine informatique ? Quelle « cartographie » peut-on faire des systèmes Unix, de leur héritage, au point de vue des machines, des langages, des logiciels? Qu'est-ce qui existe déjà dans les collections ? Quels corpus, bases de données, plate-formes à vocation patrimoniales peuvent concerner la sauvegarde d’Unix et à quel usage ?

- Comment la formation, la consolidation et la diffusion de la culture Unix – déjà évoquée dans ses aspects sociaux, politiques et philosophiques, s'inscrivent-elles dans le champ patrimonial ? Comment évaluer et valoriser l’importance du patrimoine immatériel attaché au système Unix, tant les effets de communauté et de mémoire sont importants dans et pour son histoire ;

- Quelles sont les pratiques et les modes de faire revendiquées de l’héritage unixien ? Quelle a été son influence aussi bien dans le champ de l’ingénierie et de la recherche en informatique que dans des domaines variés : culture scientifique et technique, mouvements des hacker, makers, et autres pratiques du « faire » aujourd’hui (Lallement, 2016) ?

Bibliographie

Kelty, Christopher M. 2008. Two Bits: The Cultural Significance of Free Software. Durham: Duke University Press Books.

Lallement, Michel. 2016. L’âge du faire, Paris : Seuil.

Mélès, Baptiste. 2003. « Unix selon l’ordre des raisons : la philosophie de la pratique informatique ». Philosophia Scientiæ 17 (3): 181?98.

Paloque-Berges, Camille. 2017. « Mapping a French Internet experience: a decade of Unix networks cooperation (1983-1993) ». In G. Goggin et M. McLelland (eds.), Routledge Companion to Global Internet Histories, New-York: Routledge, 153?170.

Salus, Peter H. 1994. A Quarter Century of UNIX. Addison-Wesley: Reading.

Toomey, Warren. 2010. « First Edition Unix: Its Creation and Restoration ». IEEE Annals of the History of Computing 32 (3): 74?82.