Cette semaine, nous vous proposons de découvrir les thématiques dispensées par l’École supérieure d’ingénieurs géomètres et topographes. Ce domaine regroupe des diplômes et des unités d’enseignement diversifiés, propres à former des experts de terrain. Laurent Morel, professeur des universités et directeur de l’École supérieure d’ingénieurs géomètres et topographes (ESGT), répond à nos questions pour vous éclairer sur vos futurs choix de formation.
Vous dirigez l’École supérieure d’ingénieurs géomètres et topographes du Cnam, basée au Mans. Comme son nom l'indique, vous y formez des géomètres et des topographes. On croit connaître ces métiers, mais les connaît-on vraiment? Pourriez-vous nous en parler?
L’ESGT est une école publique d’ingénieurs en formation initiale qui apporte dans toutes ses formations des compétences en sciences et techniques de la mesure, en aménagement des territoires et en sciences juridiques. On retrouve l’enseignement de ces disciplines dans toutes nos formations : le cycle d’ingénieur Géomètre-topographe, le master Foncier (et prochainement le master Aménagement), la licence professionnelle Géo-mesures et aménagement (et prochainement la licence professionnelle Collaborateur géomètre). En effet, les compétences auxquelles nous formons sont recherchées dans les métiers exercés au sein des cabinets de géomètres ou dans les sociétés de topographie, mais elles permettent également à nos étudiants d’être employés dans d’autres métiers ou dans d’autres lieux d’exercice (collectivités, BTP, SNCF, ERDF, groupes pétroliers, etc.).
Dans les débouchés de toutes nos formations, on retrouve notre très forte pluridisciplinarité. D’une part, des professionnels formés à l’acquisition des observations et au traitement des mesures qui permettent de représenter nos territoires (une région, un département, un terroir particulier, une propriété collective ou individuelle, une infrastructure routière ou ferroviaire, un ouvrage d’art, un bâtiment, etc.). D’autre part, ces mêmes professionnels qui maîtrisent les droits concernés par les aménagements de ces territoires, et qui sont capables de réaliser des opérations foncières aussi bien en zone rurale que dans de grands complexes immobiliers urbains. Enfin, à l’interface de ces deux premiers champs disciplinaires, nos étudiants sont formés à l’aménagement rural et urbain, à la prise en compte de l’environnement et à la gestion du territoire par l’informatique.
Ces métiers nommés dans le nom de notre école révèlent par conséquent des professionnels formés pour mesurer et aménager les territoires tout en prenant en compte les aspects juridiques et environnementaux du problème.
Le Cnam est reconnu pour concilier enseignements théoriques et pratiques, et ainsi s’approcher au plus près des besoins de terrain. Comment opérez-vous dans votre équipe pour proposer des formations qui répondent aux besoins des territoires? Via quelles coopérations extérieures, également?
Nos formations initiales répondent particulièrement bien aux besoins de terrain car les enseignements en aménagement du territoire sont au cœur de nos programmes (aménagement, urbanisme, paysages, voirie et réseaux divers (VRD), routes). De plus, les compétences dispensées en cartographie informatique et base de données permettent la gestion des territoires grâce aux systèmes d’information géographique. Cette discipline que l’on nomme parfois plus largement la géomatique accompagne les acteurs locaux, collectivités et entreprises, pour envisager puis mettre en œuvre les aménagements nécessaires aux nouveaux besoins des territoires.
La succession d'enseignements théoriques et pratiques constitue également notre méthodologie principale car les techniques de la mesure, ponctuelles, spatiales ou par imagerie 3D, ne peuvent être correctement appréhendées sans une mise en œuvre dans des travaux pratiques. Des projets opérationnels en aménagement, notamment à l’occasion d’un voyage d’études et d’ateliers d’urbanisme prennent place dans la deuxième année du cycle ingénieur et la première année du master Foncier.
Nos travaux pratiques essaient le plus souvent possible de s’inscrire dans la réalité des besoins actuels de nos partenaires. Par exemple, avec Le Mans Métropole au travers de projets de réhabilitation de quartiers ou encore avec le conseil départemental pour réaliser des visites virtuelles du patrimoine historique et architectural.
Le monde évolue, les techniques aussi : quelles sont les innovations en cours ou à attendre dans les filières qui sont les vôtres? Et quels cursus nouveaux sont susceptibles d'apparaître pour y répondre?
Dans nos enseignements techniques, les évolutions technologiques sont majeures, ces dernières années. La mesure de positionnement à partir des constellations de satellites (GPS, Glonass, Galileo, Beidou) a inondé nos métiers, et il faut ajouter toutes les techniques d’imagerie 3D qui permettent de scanner l’environnement à partir de porteurs dynamiques quels qu’ils soient (avion, drone, véhicule, piéton, etc.) couplés à d’autres capteurs (centrale à inertie, par exemple). Le traitement puis la modélisation ont également été révolutionnés, que ce soit pour traiter des nuages de millions de points ou encore dans la gestion de quantités phénoménales de données qualitatives (Big Data) dans les bases de données des systèmes d’information géographique. Enfin, plus récemment, l’intelligence artificielle et les techniques d’apprentissage profond (Deep Learning) font irruption dans nos programmes pour mettre en pratique ces nouvelles approches.
Enfin, question plus large, comment voyez-vous l'évolution de la formation professionnelle à horizon 10 ou 20 ans? Ce sera quoi, la formation de demain? Ils seront comment, les élèves de demain?
À l’ESGT, nos formations, qui sont essentiellement en initial, continueront d’alterner enseignements pratiques et théoriques avec une grande part réservée au présentiel car la crise nous aura appris (ou confirmé) que la relation humaine est cruciale dans ces apprentissages pratiques. Toutefois, l’innovation pédagogique à partir des moyens numériques et la mise en réseau continuera de bouleverser nos pratiques et nous permettra une meilleure adaptation à la diversité de nos étudiants.
Au-delà des évolutions scientifiques et technologiques évoquées précédemment (Big Data, intelligence artificielle, etc.) qui rempliront toujours nos formations, les enseignements en RSE (responsabilité sociétale et environnementale) vont pénétrer en profondeur tous les cycles de l’enseignement supérieur pour former aux métiers de demain. Les cadres que nous formons penseront l’environnement dans tous les projets, mais ils seront aussi les porteurs de valeurs humaines dans les entreprises afin de donner plus de sens aux métiers. Il s’agit en cela de répondre aux attentes légitimes de la nouvelle génération.