Des recherches sur la vaccination récompensées par deux publications dans des revues prestigieuses
30 janvier 2021
L’impact préventif des campagnes de vaccination de masse contre la fièvre jaune en Afrique
Ces recherches ont été menées au laboratoire de Modélisation, épidémiologie et surveillance des risques sanitaires (MESuRS) par Kévin Jean et Mounia Hocine, maîtres de conférences au Cnam. Cet article a été publié le 18 février 2021 dans la revue scientifique PLOS Medicine.
Assessing the impact of preventive mass vaccination campaigns on yellow fever outbreaks in Africa: A population-level self-controlled case series study
Kévin Jean , Hanaya Raad, Katy A. M. Gaythorpe, Arran Hamlet, Judith E. Mueller, Dan Hogan, Tewodaj Mengistu, Heather J. Whitaker, Tini Garske, Mounia N. Hocine
Published: February 18, 2021
Le mot des auteur.e.s :
La fièvre jaune est une fièvre hémorragique virale transmise par des moustiques et qui peut causer d’importantes flambées épidémiques, spécialement en Afrique tropicale. Néanmoins, un vaccin efficace et sûr est disponible contre cette maladie. Depuis 2006, des campagnes préventives de vaccination de masse ont été conduites dans de nombreuses régions africaines. Il s’agit de larges campagnes ciblant tous ou la plupart des groupes d’âges dans une zone géographique définie. Or, l’effet préventif de ces campagnes n’a jamais été quantifié.
Nous avons utilisé la méthode des séries de cas auto-contrôlés pour mesurer l’association entre ces campagnes de masse et le risque de flambée épidémique au niveau de la région administrative dans 34 pays africains entre 2005 et 2018. Les périodes avant et après campagnes ont été comparés individuellement à l’échelle de chaque région, ce qui permet implicitement de contrôler pour tous les facteurs de confusion qui ne changent pas dans le temps. Dans ce cas précis, cela permet de contrôler pour un biais bien connu, le biais d’indication : le fait que les campagnes de vaccination ciblent préférentiellement les régions où le risque de fièvre jaune est considéré comme élevé.
À l’échelle d’une région, nous avons estimé que le déploiement d’une campagne de vaccination diminuait le risque de flambée épidémique de 86% (entre 66% et 94%). Nous avons de plus estimé que l’ensemble des campagnes de vaccination conduite en Afrique sur la période 2006-2018 ont permis d’éviter environ 50 (de 28 et 80) flambées épidémiques, soit l’équivalent de 34% (de 22 à 45%) du nombre total de flambée épidémiques sur la période).
Cette étude est la première à utiliser la méthode des séries de cas auto-contrôlés à l’échelle d’une population pour évaluer les bénéfices d’une intervention de santé publique. Ces résultats amènent de nouveaux éléments empiriques en faveur des importants bénéfices de santé publique des campagnes de vaccination de masse pour la prévention des épidémies de fièvre jaune. Certaines de ces campagnes ont été repoussées du fait de la crise sanitaire liée au Covid-19, et ces résultats contribuent à encourager leur remise à l’agenda.
Accéder à l'article en ligne sur le site de la revue PLOS Medicine
L’impact sanitaire de la vaccination contre dix agents pathogènes dans 98 pays à revenu faible et intermédiaire entre 2000 et 2030
Dans une étude collective publiée récemment dans la prestigieuse revue scientifique The Lancet, 16 équipes de recherches différentes ont mis en commun les résultats de leurs modélisations afin d'évaluer les bénéfices sanitaires de la vaccination dans près de 100 pays. Kévin Jean y a contribué, là aussi, avec des résultats concernant la vaccination contre la fièvre jaune.
Estimating the health impact of vaccination against ten pathogens in 98 low-income and middle-income countries from 2000 to 2030: a modelling study
Xiang Li, PhD, Christinah Mukandavire, PhD, Zulma M Cucunubá, PhD, Susy Echeverria Londono, PhD, Kaja Abbas, PhD †, Hannah E Clapham, PhD † et al.
Open Access – Published:January 30, 2021
Le mot de l'auteur :
Au cours des deux dernières décennies, les programmes de vaccination infantile se sont généralisés dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI). Nous quantifions ici l’impact sanitaire de ces programmes en estimant les décès et le nombre d'années de vie corrigées de l’incapacité (AVCI) évités grâce à la vaccination contre dix agents pathogènes dans 98 PRFI entre 2000 et 2030.
Nous estimons que la vaccination pour les 10 pathogènes étudiés aura permis d’éviter 69 (intervalle de crédibilité à 95% : 52 - 88) millions de décès de 2000 à 2030, dont 37 millions (30 - 48) évités entre 2000 et 2019. Sur la période 2000-2019, cela représente une baisse de 45% (36-58) des décès par rapport à un scénario contrefactuel sans vaccination. L’essentiel de ces bénéfices est concentré dans la réduction de mortalité des enfants de moins de 5 ans (57% de réduction [52–66]), en particulier due à la rougeole. Au cours de la vie des cohortes nées entre 2000 et 2030, nous prévoyons que 120 millions (93 - 150) de décès seront évités grâce à la vaccination, dont 58 millions (39 - 76) grâce à la vaccination contre la rougeole et 38 millions (25 - 52) grâce à la vaccination contre l’hépatite B, respectivement. Nous estimons que les augmentations de la couverture vaccinale et l’introduction d’autres vaccins entraîneront une baisse de 72 % (59-81) de la mortalité tout au long de la vie pour la cohorte née en 2019.
Les augmentations de la couverture vaccinale et l’introduction de nouveaux vaccins dans les PRFI ont eu un impact majeur sur la baisse de la mortalité. Ces bénéfices de santé publique devraient s'accroître dans les décennies à venir si la progression de la couverture vaccinale se poursuit.
Accéder à l'article en ligne sur le site de la revue The Lancet