L'Écho des labos
Du micron au flacon
16 décembre 2013
Au début de l’année 2014, la fusion des laboratoires Conception et évaluation de nouveaux agents de contrastes vectorisés pour l’IRM (CENACV), dirigé par Clotilde Ferroud, et Génie des procédés pour l’environnement, l’énergie et la santé (LGP2ES), dirigé par Georges Descombes, donnera naissance à un outil unique dans le panorama de la recherche française. Entretien avec les responsables des deux labos.
Pouvez-vous nous décrire l’activité de vos laboratoires ?
Clotilde Ferroud : Le laboratoire Conception et évaluation de nouveaux agents de contrastes vectorisés pour l’IRM (CENACV) est une équipe de recherche labellisée (ERL) par le CNRS dont les activités sont axées sur le domaine de la santé. Nous avons deux activités de recherche majeures : les produits destinés au diagnostic médical et les molécules à visée thérapeutique. En fait, nous fabriquons, ou «synthétisons», des molécules, dans un but d’application prédéfini, puis nous étudions leurs propriétés et éventuellement modifions leurs structures pour en améliorer les performances. Nous sommes ici dans de la «chimie fine», c’est-à-dire que nous travaillons à l’échelle du milligramme.
Nous avons également une activité de développement de procédés qui sont classés dans ce qu’on appelle la chimie verte. Ce que nous faisons, c’est chercher des méthodes de substitution plus écologiques et moins énergivores, comme les micro-ondes, les ultrasons, les biotransformations ou la photochimie (irradiation par la lumière) pour remplacer la pression ou la chaleur comme déclencheurs d’une réaction chimique.
Georges Descombes : Notre équipe d’accueil (EA 21), le laboratoire Génie des procédés pour l’environnement, l’énergie et la santé (LGP2ES), qui regroupe une quarantaine de chercheurs enseignants permanents, ainsi qu’une vingtaine de docteurs, a été créé en 1960, par la chaire de Chimie industrielle. Au début des années 1980, cette équipe a été laboratoire d’accueil du DEA de chimie appliquée et de génie des procédés industriels. Depuis lors, le laboratoire a accueilli diverses équipes de recherche. En 2011, le laboratoire a obtenu le label Institut Carnot Art. Cet institut est un acteur majeur du rapprochement des entreprises avec le monde de la recherche public. Il regroupe 24 laboratoires sur des domaines qui sont les deux actions phares de l’EA 21: génie des procédés et énergétique.
Pouvez-vous nous donner des exemples concrets d’application?
Georges Descombes : L’EA 21 a connu de nombreux changements de périmètre au cours des dix dernières années et s’est recentré et stabilisé sur le génie des procédés chimiques et l’énergétique. L’objectif c’est l’optimisation des procédés innovants pour l’efficacité énergétique, la qualité du produit et la haute performance environnementale. Dit autrement, nous travaillons sur la génération d’énergie propre et la réduction des nuisances. Il y a aujourd’hui quatre équipes avec chacune ses compétences:
Clotilde Ferroud : Le CENACV dispose d’un réel savoir-faire dans les agents de contraste. Il s’agit de molécules qui sont très visibles à l’IRM et qui vont se fixer temporairement sur un organe ou un site anatomique, comme par exemple, une partie du cerveau. En fait, c’est comme si on colorait ou surlignait ce site pour mieux le voir. Notre laboratoire travaille plus particulièrement sur la détection précoce de la maladie d’Alzheimer. Le but est de mieux visualiser des amas fibrillaires dans le cerveau que l’on pense être un des premiers symptômes de la maladie.
Un autre exemple concerne une méthodologie s’appuyant sur des modèles mathématiques qui permettent de simuler l’interaction d’une structure moléculaire avec une protéine par exemple. Ces recherches sont effectuées en collaboration avec l’équipe de Jean-François Zagury, et notre laboratoire travaille sur le drug repositioning, c’est-à-dire qu’il se base sur des molécules dont les propriétés sont déjà connues mais qui pourraient avoir une action dans d’autres maladies.
Vos laboratoires vont fusionner au début 2014. Comment cela s’est-il décidé ?
Clotilde Ferroud : Le contexte général veut que les établissements encouragent les équipes de recherche à augmenter leurs tailles. En vue de l’évaluation Aeres, la direction de la recherche, ayant constaté une réelle disparité de taille d’effectifs entre les équipes de recherche du Cnam, a proposé des rapprochements quand cela était possible. À l’époque, le directeur de la recherche Ali Saïb nous avait demandés de réfléchir à la fusion de nos deux laboratoires. J’ai beaucoup prospecté pour évaluer la viabilité du projet et j’ai rencontré beaucoup de personnalités extérieures, du monde industriel, de l’académie, du CNRS... Ce regroupement est particulièrement pertinent au vue de l’évolution des industries chimiques et pharmaceutiques. À l’heure actuelle, les technologies qui se développent dans ces industries portent simultanément sur la conception du produit (R&D) et sur son procédé de fabrication. Ces deux activités, qui évoluent rapidement dans un contexte de forte innovation, sont interdépendantes et doivent donc être synchronisées, pour maximiser les chances de succès et la rentabilité, mais aussi réduire les coûts et les temps de développement. La réponse à cette optimisation requiert une démarche scientifique et pédagogique comportant une approche intégrée multi-échelle molécule-produit-procédé. Tout n’est pas fait pour autant et les cinq ans à venir seront en partie consacrés à développer des axes de recherche communs entre nous et toutes les équipes de l’EA 21. En dehors du génie des procédés chimiques, il y a des pistes possibles comme les énergies décarbonées, ou les produits frigorifiques utilisés dans les pompes à chaleur ou les pompes à froid….
Qu’espérez-vous de cette fusion ?
Georges Descombes : L’intégration du laboratoire de Clotilde nous apporte beaucoup car, d’une part, leurs activités sont orientées vers le domaine de la santé, ce qui va enrichir très utilement la dimension santé de l’EA 21. Par ailleurs, leurs compétences dans le domaine de l’environnement nous permettront de booster les aspects biotransformation des énergies nouvelles et des énergies alternatives au pétrole. Il y a donc une réelle complémentarité illustrée par cette possibilité qui va nous être offerte de travailler sur plusieurs échelles: l’équipe « chimie » synthétise les molécules et les étudie, et les équipes «génie des procédés» et «énergétique» permettent des montées en échelle et des capacités de production optimisées: plus de produit avec moins d’énergie.
Les tutelles ont précisé que le positionnement et les caractéristiques de cette nouvelle unité sont uniques dans le paysage universitaire français, en fonction de sa triple compétence chimie moléculaire, génie des procédés et énergétique. Nous avons donc des atouts précieux: une richesse des thématiques de recherche, mais aussi des plateformes expérimentales et technologiques multi sites à Paris, Saint-Cyr l’École, à Anthony ou en Roumanie. Et nous sommes appuyés par un personnel Iatoss qualifié et expérimenté.
Il s’agit donc d’un projet qui couvre un spectre extrêmement large et il y aura des défis à relever par les nouveaux acteurs. Dans les actions phares, il va nous falloir réfléchir à la demande de reconduction du label Institut Carnot Art, qui s’éteint en 2015. D’autre part, notre équipe de recherche, et au-delà le Cnam dans son ensemble, est membre permanent du pôle de compétitivité des transports Mov’eo, pour le renforcement de la compétitivité internationale des entreprises françaises. D’autres actions prioritaires concernent des engagements pris par notre établissement sur des programmes internationaux de recherche et d’actions de formation commune par la recherche. Ces programmes concernent les pays francophones, le continent américain et le bassin méditerranéen, avec une priorité donnée au Maghreb et au Liban.
Clotilde Ferroud : Le laboratoire Conception et évaluation de nouveaux agents de contrastes vectorisés pour l’IRM (CENACV) est une équipe de recherche labellisée (ERL) par le CNRS dont les activités sont axées sur le domaine de la santé. Nous avons deux activités de recherche majeures : les produits destinés au diagnostic médical et les molécules à visée thérapeutique. En fait, nous fabriquons, ou «synthétisons», des molécules, dans un but d’application prédéfini, puis nous étudions leurs propriétés et éventuellement modifions leurs structures pour en améliorer les performances. Nous sommes ici dans de la «chimie fine», c’est-à-dire que nous travaillons à l’échelle du milligramme.
Nous avons également une activité de développement de procédés qui sont classés dans ce qu’on appelle la chimie verte. Ce que nous faisons, c’est chercher des méthodes de substitution plus écologiques et moins énergivores, comme les micro-ondes, les ultrasons, les biotransformations ou la photochimie (irradiation par la lumière) pour remplacer la pression ou la chaleur comme déclencheurs d’une réaction chimique.
Georges Descombes : Notre équipe d’accueil (EA 21), le laboratoire Génie des procédés pour l’environnement, l’énergie et la santé (LGP2ES), qui regroupe une quarantaine de chercheurs enseignants permanents, ainsi qu’une vingtaine de docteurs, a été créé en 1960, par la chaire de Chimie industrielle. Au début des années 1980, cette équipe a été laboratoire d’accueil du DEA de chimie appliquée et de génie des procédés industriels. Depuis lors, le laboratoire a accueilli diverses équipes de recherche. En 2011, le laboratoire a obtenu le label Institut Carnot Art. Cet institut est un acteur majeur du rapprochement des entreprises avec le monde de la recherche public. Il regroupe 24 laboratoires sur des domaines qui sont les deux actions phares de l’EA 21: génie des procédés et énergétique.
Pouvez-vous nous donner des exemples concrets d’application?
Georges Descombes : L’EA 21 a connu de nombreux changements de périmètre au cours des dix dernières années et s’est recentré et stabilisé sur le génie des procédés chimiques et l’énergétique. L’objectif c’est l’optimisation des procédés innovants pour l’efficacité énergétique, la qualité du produit et la haute performance environnementale. Dit autrement, nous travaillons sur la génération d’énergie propre et la réduction des nuisances. Il y a aujourd’hui quatre équipes avec chacune ses compétences:
- L’équipe fondatrice de génie des procédés chimiques, centrée sur les procédés polyphasiques et les transferts thermiques (fours tournants) et sur les procédés de séparation (cristallisation, adsorption). Cette équipe est dirigée par Catherine Porte, qui a également dirigé l’EA 21 entre 2007 et 2010;
- l’équipe énergétique des installations frigorifiques, dirigée par Laurence Fournaison, issue de l’Irstea (anciennement Cemagref). Cette équipe est centrée sur l’efficacité énergétique et environnementale des systèmes frigorifiques;
- l’équipe énergétique des systèmes pour l’industrie et les bâtiments, dirigée par Christophe Marvillet, centrée sur la production de froid avec une ouverture vers l’énergétique des procédés industriels et des systèmes pour les bâtiments. Cette équipe travaille également sur les effets de dégradation dans le temps et sur la simulation et la métrologie des systèmes thermiques;
- enfin l’équipe turbomachine et moteur, que je dirige et qui est centrée sur la suralimentation et le contrôle des moteurs et machines thermiques. Depuis 2011 nous travaillons aussi sur les énergies alternatives au pétrole.
Clotilde Ferroud : Le CENACV dispose d’un réel savoir-faire dans les agents de contraste. Il s’agit de molécules qui sont très visibles à l’IRM et qui vont se fixer temporairement sur un organe ou un site anatomique, comme par exemple, une partie du cerveau. En fait, c’est comme si on colorait ou surlignait ce site pour mieux le voir. Notre laboratoire travaille plus particulièrement sur la détection précoce de la maladie d’Alzheimer. Le but est de mieux visualiser des amas fibrillaires dans le cerveau que l’on pense être un des premiers symptômes de la maladie.
Un autre exemple concerne une méthodologie s’appuyant sur des modèles mathématiques qui permettent de simuler l’interaction d’une structure moléculaire avec une protéine par exemple. Ces recherches sont effectuées en collaboration avec l’équipe de Jean-François Zagury, et notre laboratoire travaille sur le drug repositioning, c’est-à-dire qu’il se base sur des molécules dont les propriétés sont déjà connues mais qui pourraient avoir une action dans d’autres maladies.
Vos laboratoires vont fusionner au début 2014. Comment cela s’est-il décidé ?
Clotilde Ferroud : Le contexte général veut que les établissements encouragent les équipes de recherche à augmenter leurs tailles. En vue de l’évaluation Aeres, la direction de la recherche, ayant constaté une réelle disparité de taille d’effectifs entre les équipes de recherche du Cnam, a proposé des rapprochements quand cela était possible. À l’époque, le directeur de la recherche Ali Saïb nous avait demandés de réfléchir à la fusion de nos deux laboratoires. J’ai beaucoup prospecté pour évaluer la viabilité du projet et j’ai rencontré beaucoup de personnalités extérieures, du monde industriel, de l’académie, du CNRS... Ce regroupement est particulièrement pertinent au vue de l’évolution des industries chimiques et pharmaceutiques. À l’heure actuelle, les technologies qui se développent dans ces industries portent simultanément sur la conception du produit (R&D) et sur son procédé de fabrication. Ces deux activités, qui évoluent rapidement dans un contexte de forte innovation, sont interdépendantes et doivent donc être synchronisées, pour maximiser les chances de succès et la rentabilité, mais aussi réduire les coûts et les temps de développement. La réponse à cette optimisation requiert une démarche scientifique et pédagogique comportant une approche intégrée multi-échelle molécule-produit-procédé. Tout n’est pas fait pour autant et les cinq ans à venir seront en partie consacrés à développer des axes de recherche communs entre nous et toutes les équipes de l’EA 21. En dehors du génie des procédés chimiques, il y a des pistes possibles comme les énergies décarbonées, ou les produits frigorifiques utilisés dans les pompes à chaleur ou les pompes à froid….
Qu’espérez-vous de cette fusion ?
Georges Descombes : L’intégration du laboratoire de Clotilde nous apporte beaucoup car, d’une part, leurs activités sont orientées vers le domaine de la santé, ce qui va enrichir très utilement la dimension santé de l’EA 21. Par ailleurs, leurs compétences dans le domaine de l’environnement nous permettront de booster les aspects biotransformation des énergies nouvelles et des énergies alternatives au pétrole. Il y a donc une réelle complémentarité illustrée par cette possibilité qui va nous être offerte de travailler sur plusieurs échelles: l’équipe « chimie » synthétise les molécules et les étudie, et les équipes «génie des procédés» et «énergétique» permettent des montées en échelle et des capacités de production optimisées: plus de produit avec moins d’énergie.
Les tutelles ont précisé que le positionnement et les caractéristiques de cette nouvelle unité sont uniques dans le paysage universitaire français, en fonction de sa triple compétence chimie moléculaire, génie des procédés et énergétique. Nous avons donc des atouts précieux: une richesse des thématiques de recherche, mais aussi des plateformes expérimentales et technologiques multi sites à Paris, Saint-Cyr l’École, à Anthony ou en Roumanie. Et nous sommes appuyés par un personnel Iatoss qualifié et expérimenté.
Il s’agit donc d’un projet qui couvre un spectre extrêmement large et il y aura des défis à relever par les nouveaux acteurs. Dans les actions phares, il va nous falloir réfléchir à la demande de reconduction du label Institut Carnot Art, qui s’éteint en 2015. D’autre part, notre équipe de recherche, et au-delà le Cnam dans son ensemble, est membre permanent du pôle de compétitivité des transports Mov’eo, pour le renforcement de la compétitivité internationale des entreprises françaises. D’autres actions prioritaires concernent des engagements pris par notre établissement sur des programmes internationaux de recherche et d’actions de formation commune par la recherche. Ces programmes concernent les pays francophones, le continent américain et le bassin méditerranéen, avec une priorité donnée au Maghreb et au Liban.
16 décembre 2013
Le positionnement et les caractéristiques de cette nouvelle unité sont uniques dans le paysage universitaire français, en fonction de sa triple compétence: chimie moléculaire, génie des procédés et énergétique.»