Et si les microbes étaient en fait nos alliés ?
14 septembre 2021
Les microbes qui font partie intégrante des organismes vivants sont appelés le microbiote.
Des milliards de bactéries habitent le corps humain et il est de plus en plus évident que ce microbiote est essentiel à la santé humaine. Les recherches montrent également qu'un microbiote sain, joue non seulement un rôle crucial dans la prévention ou la lutte contre les infections, mais contribue également à réduire la propagation de souches de bactéries nocives résistantes aux antibiotiques.
Les antibiotiques sont un outil clé dans le traitement des infections bactériennes, mais ils peuvent également nuire au microbiote. Et un microbiote non sain, c'est l'opportunité pour les bactéries nocives de se multiplier plus facilement car l'accès aux ressources les alimentant est facilité.
« L'utilisation d'antibiotiques peut également entraîner l'émergence de souches de bactéries à la fois utiles et nocives avec des mutations génétiques qui leur permettent de survivre aux antibiotiques », explique David Smith, doctorant à l'Institut Pasteur et au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (Inserm/USVQ), France. « Nous avons utilisé la modélisation mathématique pour voir comment les effets des antibiotiques sur le microbiote pourraient favoriser la propagation de bactéries résistantes aux antibiotiques dans les établissements de santé. »
En modélisant comment les bactéries nocives et résistantes aux antibiotiques interagissent avec le microbiote et comment l'utilisation d'antibiotiques modifie ces interactions, nos chercheurses et chercheurs montrent que l'utilisation d'antibiotiques favorisent de manière démesurée l'abondance de bactéries pathogènes résistantes aux antibiotiques. En effet, les antibiotiques, éliminent, au sein du microbiote, les communautés de microbes qui empêchent en temps normal les bactéries nocives de s'établir?
« Nous mettons en avant une forme de compromis où les antibiotiques peuvent simultanément éliminer les bactéries nocives et rendre les gens plus sensibles à l'infection par ces mêmes bactéries », explique Laura Temime, co-auteure, professeure au Cnam et chercheuse au Laboratoire Modélisation, épidémiologie et surveillance des risques sanitaires (MESuRS) à Paris, France.
Ensuite, l'équipe a simulé dans quelle mesure différentes stratégies de prévention pourraient fonctionner pour arrêter la propagation de bactéries résistantes aux médicaments, notamment Clostridioides difficile, les staphylocoques dorés résistants à la méthicilline et les entérobactéries multirésistantes. Leurs résultats montrent que les précautions de contact peuvent avoir des avantages limités pour prévenir les infections par des bactéries nocives telles que les entérobactéries. À l'inverse, les interventions qui protègent le microbiote, comme l'utilisation de moins d'antibiotiques ou l'aide à la restauration du microbiote chez les patients après un traitement antibiotique, peuvent aider à limiter la propagation des bactéries résistantes aux médicaments.
« Notre étude révèle à quel point il est important de prendre en compte les effets protecteurs d'un microbiote sain lors de la conception de stratégies visant à réduire la dissémination de souches bactériennes résistantes aux antibiotiques », conclut la dernière co-auteure Lulla Opatowski, professeure d'épidémiologie mathématique à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), et chercheuse au sein de l'équipe Épidémiologie et modélisation de l'évasion antibiotique à l'Institut Pasteur. « Ensemble, la gestion des antibiotiques et les interventions visant à soutenir un microbiote sain pourraient être efficaces pour atténuer le fardeau de ces infections. »
Source : elifesciences.org/press pack
Ces travaux de recherches ont fait l'objet d'une publication (en anglais) dans la prestigieuse revue scientifique eLife :
Microbiome-pathogen interactions drive epidemiological dynamics of antibiotic resistance: a modelling study applied to nosocomial pathogen control
David R M Smith, Laura Temime, Lulla Opatowski, 14 septembre 2021
Le laboratoire Modélisation, épidémiologie et surveillance des risques sanitaires (MESuRS) du Cnam
Le champ de recherche du laboratoire Modélisation, épidémiologie et surveillance des risques sanitaires (MESuRS) (EA 4628) couvre l’ensemble des risques pour la santé, avec une cohérence méthodologique autour des approches quantitatives (épidémiologie, bio-statistique, modélisation mathématique). L’objectif structurant du laboratoire est de proposer et de valider des outils scientifiques pour l’évaluation et la gestion de ces risques, dans le but d’apporter des réponses opérationnelles à des enjeux de sécurité sanitaire dont les retombées potentielles sont importantes tant sur le plan social que sur le plan économique. Deux axes thématiques majeurs sont développés au sein du laboratoire : les risques infectieux et les risques professionnels. Les principaux thèmes sur lesquels portent les recherches sont, pour les risques infectieux, les infections liées aux soins, l’antibio-résistance et le VIH ; et pour les risques professionnels, l’utilisation des bases de données d’entreprises à des fins de prévention, les risques psycho-sociaux et l’absence au travail.