Journée internationale des femmes en mathématiques
12 mai 2023
La parole à :
Chloé Mimeau
Maîtresse de conférences et enseignante-chercheuse au Cnam depuis 2016
Présentez-vous, quelle est votre fonction ?
Je m'appelle Chloé Mimeau, j'ai 35 ans et je suis maîtresse de conférences au Cnam depuis 2016. Je travaille au sein du laboratoire M2N en mathématiques appliquées à la mécanique des fluides. En tant qu'enseignante-chercheuse, mon travail consiste à mener des activités de recherche, des activités d'enseignement auprès des élèves du Cnam et aussi des activités de diffusion scientifique auprès du grand public et/ou des scolaires.
Qu'est-ce qui vous a donné le goût des mathématiques ?
Je dois avouer que les maths n'étaient pas ma discipline favorite à l'école primaire et au collège. C'est au lycée, grâce à mes enseignantes et enseignants, et au lien que nous avons commencé à tisser entre les mathématiques et les autres matières comme la physique, la géologie ou la biologie, que mon goût pour les disciplines scientifiques, et plus particulièrement les mathématiques, est apparu. À l'université j'ai donc choisi une filière scientifique et mon goût pour les mathématiques appliquées n'a fait que croître tout au long de mon cursus universitaire. Mon rapport aux mathématiques s'est construit et renforcé tout au long de mon parcours.
Que préférez-vous dans les mathématiques ?
Sans grande surprise, à la vue de mon parcours et de mes activités actuelles, la modélisation est je pense ce que je préfère dans les mathématiques. La modélisation consiste à mettre en équations des phénomènes observables ; en ce qui me concerne, il s’agit d’observer des phénomènes physiques issus de la mécanique des fluides (comme par exemple un écoulement d'air autour d'un véhicule ou l'écoulement du sang dans un vaisseau ou un organe). L'idée que l'on puisse ainsi décrire un phénomène par un système d'équations mathématiques m'a toujours fascinée.
Est-il facile d'être une femme dans le milieu scientifique, en particulier celui de cette discipline ?
Pour ma part, j'ai la chance de ne pas avoir directement souffert d'être une femme dans une discipline à 80-85%. Cependant cette très faible proportion de femmes m'a frappée lors de mon doctorat (proportion qui était assez similaire lors de mes études supérieures mais dont je n'avais jamais pris conscience).
Je me suis intéressée de près à cette question. Il s'avère que la première difficulté pour les femmes est déjà d'avoir accès aux mathématiques, et ce à cause de 3 raisons principales : les stéréotypes de genre, la méconnaissance des métiers liés aux maths et l'absence de modèles féminins. La quasi-totalité des filles ont été confrontées dès le plus jeune âge à au moins un de ces facteurs, ce qui constitue un premier obstacle pour accéder à des études et/ou des carrières en mathématiques.
Une fois en activité, il est généralement plus difficile pour les chercheuses en mathématiques de se voir accorder la même crédibilité qu'un homologue masculin (en ce qui me concerne j'ai plusieurs fois expérimenté cette situation). Par ailleurs, le plafond de verre que rencontrent les femmes chercheuses au cours de leur carrière est une réalité sociologique, expliquant ainsi le faible nombre de femmes atteignant les corps et grades les plus élevés en recherche (les femmes ne représentent que 13% de l’effectif total des professeurs d’université en mathématiques en France ! (Source : MESR-DGRH 2020, relayé sur le site de Femmes et mathématiques))
Un autre phénomène auquel sont confrontées les chercheuses en maths et en sciences de l'ingénieur en général, est leur forte sollicitation à participer à des commissions d'évaluations ou des jurys de thèse/recrutement pour répondre aux règles de parité au sein de ces jurys. Ces participations prennent un temps conséquent dans l'activité des chercheuses, temps qu'elles ne peuvent pas consacrer à leurs travaux de recherche. Je pense qu'il s'agit d'une démarche, certes lourde, mais nécessaire et transitoire pour espérer atteindre un jour l'objectif de la parité dans la recherche.
Qu'aimeriez-vous dire aux femmes intéressées par les mathématiques ?
Qu'elles s'accrochent et qu'elles croient en elles ! Les mathématiques ne sont pas une discipline d'hommes, contrairement à ce que beaucoup de stéréotypes et de représentations nous font croire. Il nous faut collectivement contourner ces stéréotypes et les menaces de ces stéréotypes qui, comme mentionné précédemment, sont des causes importantes de la faible présence de femmes dans les filières ou carrières liées aux mathématiques.
Pour toutes celles qui s'intéressent aux mathématiques je ne peux que leur conseiller de poursuivre sur cette voie et de venir visiter le site de notre association « Femmes et mathématiques » qui explique ces phénomènes sociaux et surtout qui propose de nombreuses actions pour les résorber (comme par exemple des rencontres avec des chercheuses et mathématiciennes, des interventions en non-mixité dans des collèges et lycées, du marrainage, etc...) dans l'objectif de donner toute confiance aux filles et vaincre les stéréotypes dès le plus jeune âge, d'affirmer la légitimité de la présence des femmes en mathématiques et de convaincre de l'importance de la mixité.
Que représente le Cnam pour vous et que vous a-t-il apporté dans votre carrière ?
Travailler au Cnam est pour moi une fierté et une grande joie. Il y a, je pense, peu d'établissements universitaires comme le Cnam capables de si bien mettre en relation les enseignants-chercheurs (EC) des différentes disciplines et des différents laboratoires qui le composent. J'ai en effet eu l'occasion dès mon arrivée au Cnam de tisser des relations professionnelles pérennes, fructueuses et très stimulantes avec de nombreux·ses collègues EC en mécanique, aéronautique, informatique, chimie, épidémiologie, bioinformatique ou énergétique. Ces relations m'ont permis d'établir des collaborations riches et diverses aussi bien en enseignement qu'en recherche. En observant les EC en mathématiques appliquées travaillant dans d'autres établissements, je constate que l'étendue et la qualité de ces échanges inter-disciplinaires n'est pas aussi importante et beaucoup plus difficile à construire.
La localisation du Cnam en plein cœur de Paris est également une chance inouïe qui facilite le contact et l'ouverture vers la scène scientifique parisienne, nationale et internationale. Il est évident que nombre de rencontres avec des chercheuses et chercheurs éminents de ma discipline n'auraient pu se faire sans cette position géographique stratégique du Cnam (et sans le dynamisme du directeur de mon laboratoire !).
En quelques mots, qu'est-ce que le laboratoire M2N représente pour vous ?
Le laboratoire M2N est un petit laboratoire-équipe d'une dizaine de membres permanents travaillant sur la modélisation, le contrôle des systèmes et leur optimisation, le calcul scientifique et la mécanique des fluides numérique. Je réalise la chance que j'ai de travailler dans cet environnement sain et très stimulant scientifiquement, auprès de collègues passionnés et où règne une réelle solidarité et humanité.
Awa Ndeye
Doctorante en première année en mathématiques appliquées au laboratoire Cédric, dans l'équipe MSDMA
Qu'est-ce qui vous a donné le goût des mathématiques ?
Je pense de suite à l'utilité des mathématiques dans la vie de tous les jours. Elles m'ont permis de développer ma logique, une rigueur dans les démarches mais aussi une certaine praticité face à la vie.
Qu'aimeriez-vous dire aux femmes intéressées par les mathématiques ?
Les femmes ont leur place dans les filières mathématiques, elles doivent avoir confiance en elles et balayer les stéréotypes. Dans cette discipline, elles peuvent elles aussi atteindre les grades les plus élevés !
Que représente le Cnam pour vous et que vous a-t-il apporté dans votre carrière ?
Le Cnam dispose d'un climat social très favorable à la recherche. Il m'a apporté un épanouissement personnel sur mes travaux en doctorat, de rencontrer de brillants chercheurs qui me poussent à rester motivée et déterminée pour la suite de ma carrière.
Camilla Fiorini
Maîtresse de conférences au laboratoire M2N depuis septembre 2021
Qu'est-ce qui vous a donné le goût des mathématiques ?
J’ai toujours été fascinée par la rigueur et la précision des mathématiques. Quand j’étais en terminale, un professeur nous a montré que l’on pouvait décrire la dynamique des fluides grâce à des équations aux dérivées partielles et que cela permettait de faire des simulations numériques de phénomènes comme l’écoulement d’eau autour d’un bateau ou d’air autour d’un avion. Ces sont maintenant mes sujets de recherche principaux.
Que préférez-vous dans les mathématiques ?
J’aime particulièrement le fait qu’un langage si abstrait puisse décrire des phénomènes physiques si complexes.
Est-il facile d'être une femme dans le milieu scientifique, en particulier celui des maths ?
Je pense avoir eu de la chance de ce point de vue. Pendant ma carrière il y a eu, bien sûr, plein d’épisodes désagréables (par exemple, à des conférences des collègues que je venais de rencontrer ont commenté mon aspect plutôt que mes contributions scientifiques, ou encore on m’a dit que j’avais obtenu des prix ou des invitations seulement car je suis une femme, etc…) mais ce n’est rien comparé à ce que j’ai vu arriver à d’autres collègues. Il faut dire aussi que cela va en s’améliorant !
Qu'aimeriez-vous dire aux femmes intéressées par les mathématiques ?
En mathématiques, et encore plus dans la recherche, il faut de la créativité et plus il y a de diversité, plus l’environnement peut être créatif. Donc venez, nous avons besoin de vous !
Que représente le Cnam pour vous et que vous a-t-il apporté dans votre carrière ?
Le Cnam et le laboratoire M2N sont pour moi les endroits où j’ai pu enfin commencer des projets à long terme, grâce à mon poste de MCF, après des années de CDD entre thèse et post-docs.
Je pense que cela est fondamental pour pouvoir faire de la recherche de haut niveau.
Le M2N est un petit laboratoire, où tout le monde se connaît et s’aide. Je n’aurais pas pu demander meilleur accueil !