L'écho des labos

La tension dans le couple

pré-conception de projet dans la filière génie mécanique, GM 3.

6 juin 2012

Le comportement dynamique de systèmes mécaniques couplés, c’est le domaine d’étude du laboratoire LMSSC, dirigé par Jean-François Deü.
Pouvez-vous nous décrire la discipline de votre laboratoire ?
Jean-François DEU, directeur du LMSSCLe Laboratoire de mécanique des structures et des systèmes couplés (LMSSC) développe des méthodes pour prédire le comportement de systèmes mécaniques complexes, en prenant en compte divers couplages, par exemple fluide-structure ou avec des matériaux dits intelligents. Je vous donne tout de suite deux exemples pour que cela soit plus parlant :

Nous travaillons en collaboration avec le motoriste aéronautique et spatial Snecma (groupe Safran) sur la réduction des vibrations d’aubes de turboréacteurs. Ce sont les éléments que l’on voit tourner à l’entrée des moteurs d’avions. Ces éléments sont soumis à des efforts d’origine aérodynamique ou mécanique qui peuvent provoquer des phénomènes de résonance ou d’instabilité risquant de conduire à la fissuration ou la rupture d’aubes. Afin de réduire ces vibrations, et ainsi améliorer leur durée de vie, nous développons des dispositifs d’amortissement en utilisant des pastilles piézoélectriques. Celles-ci transforment l’énergie mécanique en énergie électrique, pour la dissiper dans des circuits électriques adaptés. En plus de développer ce type de solutions innovantes, nous prédisons leur efficacité et nous travaillons à les optimiser.

L’autre exemple concerne la prédiction des mouvements de liquides dans les réservoirs d’aile d’avion. Sur cette problématique, qui entre dans le cadre de ce qu’on appelle l’interaction fluide-structure, le LMSSC a une renommée internationale et collabore avec l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera), mais également avec des équipes universitaires prestigieuses, comme celle du département d’aéronautique de l’université de Stanford aux États-Unis. Il s’agit ici de quantifier les interactions entre le liquide et la structure, en s’appuyant sur des modèles numériques que nous développons.

Ces deux exemples montrent le lien entre nos activités de recherche et le milieu aéronautique et spatial. De façon plus générale, les recherches du laboratoire s’articulent autour de quatre thématiques :

La première concerne la dynamique des structures en linéaire et non-linéaire. Ici, nous cherchons à modéliser l’amortissement, à développer des modèles numériques en vibration linéaire et non-linéaire (c’est-à-dire des vibrations dont l’amplitude commence à devenir importante), tout en tenant compte des incertitudes.
Le second thème porte sur les interactions fluides-structures et la vibro-acoustique. Comme je l’ai déjà évoqué, nous développons des méthodes de prédiction du comportement de structures couplées à des fluides (gaz ou liquides) en intégrant des phénomènes complexes, tels que les interactions gravité-compressibilité.
Une troisième thématique est liée à ce qu’on appelle les structures et interfaces adaptatives intelligentes. Nous travaillons sur la modélisation de la diminution des vibrations à l’aide de systèmes intelligents (aussi connus sous le vocable de Smart Materials and Structures). Nos recherches consistent à proposer des solutions innovantes d’amortissement à partir de techniques passives et/ou actives, en utilisant des matériaux poreux, viscoélastiques et piézoélectriques.
Enfin, le quatrième thème porte sur la caractérisation des sources vibratoires et acoustiques et le contrôle du bruit. Cette thématique est notamment liée au développement de méthodes originales d’imagerie acoustique pour identifier le rayonnement (c’est-à-dire le fait que les structures génèrent du bruit quand elles vibrent).
Déterminer l'origine du bruit Copyright Julien Flamand
Chaque membre du laboratoire travaille sur une ou plusieurs de ces thématiques, mais nous sommes tous spécialisés en mécanique numérique et/ou expérimentale. Cependant, nous avons chacun nos thèmes de prédilection, qui vont des méthodes de simulation numérique à l’imagerie acoustique expérimentale.

Quelles sont vos méthodes de travail ?
Principalement la modélisation mécanique, la simulation numérique et les méthodes expérimentales. Nous nous intéressons à des systèmes mécaniques complexes pour lesquels il faut être capable de modéliser et simuler les phénomènes mis en jeu, puis confronter les prévisions à l’expérience. Nous développons pour cela des outils numériques très performants, basés en particulier sur la méthode des éléments finis qui consiste à diviser la structure complexe en un ensemble de petits volumes de forme géométrique simple (tétraèdres, cubes…) et à chercher une approximation de la solution du problème physique aux sommets de ces éléments. Le problème majeur de ce type d’approche est le coût de calcul associé. Nous travaillons donc sur des modèles d’ordre réduit dans lesquels nous cherchons à extraire les phénomènes mécaniques prépondérants. Cette solution permet d’améliorer les temps de calcul, mais surtout d’envisager une optimisation des systèmes et la prise en compte d’incertitudes dans la modélisation.

Bien entendu, ces approches numériques doivent être confrontées à l’expérience pour comprendre les phénomènes et enrichir les modèles. Cette démarche associant le calcul et l’essai est essentielle en modélisation mécanique. Ainsi, nous disposons de deux plates-formes expérimentales dédiées à ces mesures. Pour la partie structure, nous disposons d’un vibromètre laser, de pots vibrants et d’accéléromètres avec les systèmes d’acquisition associés. Pour la partie acoustique, en plus de la chambre sourde et des salles réverbérantes dont dispose le laboratoire, des antennes de microphones et des robots d’acquisition ont été développés. Ces compétences complémentaires en modélisation mécanique, simulations numériques et techniques expérimentales, nous permettent d’être à la pointe dans notre discipline de recherche, comme en atteste les nombreuses publications dans des revues internationales de rang A des membres de l’équipe (voir notre site web www.lmssc.cnam.fr).

Concrètement, par quel type de projet cela se traduit-il ?
Nous sommes impliqués dans divers projets, principalement avec le milieu aéronautique et spatial, mais aussi avec l’industrie navale. Nous avons également de nombreux partenariats avec d’autres laboratoires académiques de recherche, au niveau national et international, et avec des centres de recherche tels que l’Onera, ou avec la Direction Générale de l’Armement (DGA). Ces projets se traduisent souvent par des financements de thèses (bourses Onera, DGA, Conventions industrielles de formation par la recherche...) mais également par la mise à disposition de moyens pour développer nos activités et diffuser les résultats de nos recherches. Je peux vous donner quelques exemples de projets récents :

Nous travaillons avec la DCNS (composante industrielle de l’ex-Direction des constructions navales) sur l’étude de couches viscoélastiques et l’optimisation de leur intégration dans certaines parties de sous-marins. Le but est ici de réduire le rayonnement acoustique pour éviter la détection du sous-marin ou les perturbations de son sonar. Nous avons aussi un projet avec Thales Alenia Space sur la modélisation de suspensions de matériel spatial. L’objectif est de proposer des solutions innovantes d’isolation de certains éléments d’un satellite en prenant en compte les comportements contradictoires que doivent satisfaire ces liaisons : elles doivent être raides au lancement, pour résister aux accélérations du décollage, et souples en apesanteur. Nous avons aussi des liens privilégiés avec European aeronautic defence and space (EADS) ou le Centre national d’études spatiales (Cnes).

Concernant les financements publics, nous avons participé récemment à divers contrats européens et nous sommes aujourd’hui impliqués dans un projet financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), intitulé «Nanosystèmes électromécaniques avec actionnement et détection piézoélectriques intégrés», qui nous a permis de recruter deux post-doctorants. Ce projet s’intéresse à des systèmes électro-mécaniques de taille nanométrique, dont on utilise les propriétés résonantes pour réaliser des mesures de masse moléculaire ou du filtrage radiofréquence pour les télécommunications. Dans ce projet, notre contribution a concerné les techniques de modélisation et de simulation permettant de prédire le comportement vibratoire non-linéaire de ces nanostructures, et d’en concevoir de plus performantes.

Nous sommes également impliqués dans plusieurs projets internationaux. Avec la Suède, sous la forme de trois co-tutelles de thèses entre le Cnam et l’Institut royal de technologie (KTH) de Stockholm, ou avec le Brésil dans le cadre de projets avec l’Université catholique de Rio de Janeiro (Puc-Rio) et l’Université de São Paulo. Nous avons aussi des partenariats avec l’Université technologique de Brunswick (TUB) en Allemagne ou encore la Chinese university of Hong Kong (CUHK). Ces relations internationales sont très importantes car elles contribuent au rayonnement du laboratoire et donc à son attractivité, notamment vis-à-vis des doctorants.

Quelle est l’actualité de votre laboratoire ?
Jean-François Deü : Une actualité commune à l’ensemble de l’équipe concerne notre prochaine évaluation par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aeres). Nous avons obtenu la note A en 2010 et nous mettons tout en œuvre pour accroître notre reconnaissance pour les années à venir.
Je profite également de cette occasion pour mettre en avant deux distinctions reçues récemment par des membres du laboratoire. Roger Ohayon est distingué, en 2012, Fellow de l’American institute of aeronautics and astronautics (AIAA) pour ses contributions remarquables aux sciences et technologies de l’aéronautique. Et il y a quelques semaines, Romain Rumpler, qui a soutenu sa thèse de doctorat au Cnam en mars dernier (thèse menée sous ma direction, en co-tutelle avec le KTH), a obtenu le Best young researcher award pour son article, lors du congrès international Noise and vibration : emerging methods (Novem). Ces deux distinctions sont une nouvelle preuve de la reconnaissance de nos travaux, et donc de la réputation scientifique internationale du LMSSC.
 
Equipe du laboratoire LMSCC: De gauche à droite : Peter GORANSSON, Roger OHAYON, Jean-François DEÜ, Luciano DA SILVA PEREIRA, Philippe KEMPF, Mathieu AUCEJO, Yassine KARIM, Alexandre GARCIA, Antoine LEGAY, Lucie ROULEAU, Olivier DE SMET, Yacine BRÄHIA, St