Ne pas diviser pour mieux régner
Au commencement, il y a des questionnements qui, bien que très scientifiques, ne sortent pas de laboratoires de recherche ou de bureaux d'études en ingénierie mais sont posés par les membres des Fédérations qui oeuvrent au quotidien avec les sportifs...
La Fédération française de cyclisme (FFC) et notamment Emmanuel Brunet, son responsable de la recherche et de la performance, ont donc adopté une approche globale de la question. Faire travailler les différents acteurs ensemble, en même temps et au même endroit – à commencer par notre soufflerie – pour optimiser l'ensemble des paramètres amenant à grappiller quelques millièmes sur le chronomètre final qui, à ces niveaux de compétition, font toute la différence. Une différence en or !
Florian Rousseau, 13 titres olympiques et mondiaux en poche et actuel directeur du programme olympique de cyclisme, résume la situation ainsi : « Ce qui nous anime c'est la gagne […] pour gagner, il faut innover ». Et quand il parle d'innover, il ne parle pas que du matériel mais aussi de l'état d'esprit. L'innovation pour les JO de Paris 2024, c'est cet accompagnement scientifique de terrain; une vision des choses hybride qui lie l'entraîneur, le sportif et les scientifiques dans un objectif commun.
C'est tout l'enjeu du projet de recherche THPCA2024, comprendre « Sport très haute performance », financé par l'État dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir (PIA), porté par l'École polytechnique et rassemblant une dizaine de partenaires dont l'Institut aérotechnique (IAT) du Cnam, très impliqué.
Pour le décrire en une phrase, il suffit d'avancer ce constat : en cyclisme, comme en aviron, le rapport entre l’homme et la machine est primordial. Jusqu’alors, les études menées pour maximiser la performance ont abordé l’être humain d’un côté et de la machine de l’autre, sans jamais qu’aucune mise en perspective des deux n’ait été envisagée. C’est précisément l’objectif de ce projet THCPA2024, que de faire coïncider ces deux domaines d’études.
Quelle veine !
Mais ça ne s'arrête pas là, on allait aussi prendre en compte l'environnement dans lequel évolue les sportifs; pour ne pas dire contre lequel luttent les cyclistes, à savoir le vent bien sûr. Et pour ce faire, direction la soufflerie de l'Institut aérotechnique du Cnam !
À la base du projet, ils s'y s'ont fortement impliqués. Notamment Sébastien Vigier, Quentin Lafargue ou encore Benjamin Thomas, souvent venus pédaler face au vent artificiel de la veine de la soufflerie S4. Et lorsque cela n'a pas été possible, ce sont leurs sosies de polymères qui ont pris le relai. Des chercheurs et ingénieurs les ont scannés et reproduits au millimètre, c'est impressionnant de réalisme !
La victoire tenant en un mot : aérodynamisme. Aérodynamisme de l'homme; le physique compte et varie beaucoup que l'on soit un sprinter ou un poursuiveur... comme entre un coureur de 100m et un marathonien ! Aérodynamisme de la position de l'homme. Aérodynamisme de la machine et en l'occurence des nouveaux vélos fabriqués par LOOK. Aérodynamisme de la tenue aux couleurs tricolores estampillée Le Coq Sportif, équipementier officiel des JO de Paris 2024, et condensée technologique à elle-seule faisant intégralement partie du projet THPCA2024 : c'est basé sur les essais en souffleries que, par exemple les textiles, ont été choisis (à chaque partie du corps ses particularités et sa matière en fonction). Et surtout, aérodynamisme de l'ensemble de ces paramètres qui doivent interagir entre eux, pire ne pas se contraindre. Bref, chercher la performance d'ensemble, former une synergie, pour employer le terme en vogue.
Coup de latte
Les choses étant parfois bien faites, il n'y a que quelques coups de pédales entre l'IAT à Saint-Cyr-L'École et le parquet du Vélodrome national de Saint-Quentin-En-Yvelines, fief de la FFC qui accueillera bientôt les épreuves des JO, où les sportifs et leurs entraîneurs ont pu mettre en pratique dans les conditions du réel les changements et améliorations découlant de leurs échanges et travaux avec les scientifiques. Ce qui fait du projet THPCA2024 un parfait exemple de projet de recherche plus qu'appliquées menées entre académiques et partenaires industriels au service de la société.
Le mot de la fin sera donc laissé à Christophe Clanet, directeur des sciences 2024 et porteur du projet THPCA2024 : « La science au service de la performance. La performance pour nous faire vibrer. » Ce qui pour un physicien, travaillant sur les questions d'aérodynamisme et d'aéroélasticité, est tout sauf un cliché !