Un long et enrichissant parcours au sein du Cnam résumé (difficilement) en 3 questions
Épisode 6 : La première fois que Christiane Morel franchit le porche du 292, rue Saint-Martin, elle est une jeune femme de 18 ans. 44 ans plus tard, c’est avec autant d’enthousiasme, qu’elle nous raconte son parcours qui l’aura mené à passer des catégories D à A et à connaître le Cnam de A à Z !
Quelles sont aujourd'hui vos missions en tant que gestionnaire administrative et financière des laboratoires GBA et M2N ?
Je fais office de relais ! Au quotidien, je m’occupe de faire le lien entre, d’un côté les laboratoires Génomique, bioinformatique et applications (GBA) et Modélisation mathématique et numérique (M2N) et de l’autre, les directions et services administratifs et financiers du Cnam. Derrière les chercheur.e.s, leurs projets de recherche et leurs résultats ou publications, il faut des gens pour gérer les questions pratiques administratives (recrutement des personnels, suivi des conventions, etc.) et financières comme, par exemple, la gestion des budgets et des dépenses. Un.e bon.ne gestionnaire de laboratoire connaît tout le monde au sein de l’établissement. D’autant que personnellement, je crois à l’importance d’aller au contact des gens : perdre un peu de temps en déplacement vous en fera gagner beaucoup par la suite ; c’est ce que 44 ans au Cnam m’ont appris !
Justement, pouvez-vous nous décrire votre parcours au sein du Cnam ?
Je suis arrivée au Cnam en 1973. J’avais 18 ans et issue d’un milieu prolétaire défavorisé, je n’avais d’autre choix que d’abandonner le lycée en première et de rentrer dans la vie active. Mais attention, pour mes parents ouvriers, intégrer la fonction publique, était déjà un vrai bond en avant ! Et en 1973, nous étions encore dans la période bénie du plein emploi : le travail ne manquait pas et on n’envisageait absolument pas qu’allait arriver, un an plus tard, le choc pétrolier qui mettrait fin aux Trente Glorieuses. Me voici donc embauchée à l’Institut national des techniques économiques et comptables (Intec) où je m’occupais de la gestion des dossiers des élèves qui, ne l’oublions pas, se faisait à l’époque seulement équipé.e.s de crayons et de papiers ! Voyant que j’étais désireuse d’élargir mes missions, il m’a rapidement été confié de nouvelles tâches. Mon arrivée au service pédagogique a coïncidé avec la mise en pratique de la loi Delors, du 16 juillet 1971, « portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente » et marquant le début des grandes années de la formation continue.
À partir de 1986, la situation économique du pays se détériore au même rythme que la courbe du chômage augmente… C’est dans ce contexte que sont créées les formations de jour pour les expert.e.s comptables. Le fait d’avoir activement participé à la mise en place et au suivi de cette formation importante et compliquée m’a valu une belle promotion : monter en catégorie B… Puis, après un passage au Secrétariat général, me voici, en 1993, au sein du Département de mathématiques, secrétaire de Jacques Vélu, alors Président du Conseil de perfectionnement (équivalent aujourd’hui aux Conseil scientifique et Conseil de formation) et professeur titulaire de la chaire de mathématiques qui était la chaire regroupant le plus d’élèves ; environ 3 500.
Et enfin, arrivent 2005, le Professeur Jean-François Zagury et la découverte d’un monde totalement nouveau pour moi : celui de la recherche ! Qui plus est, une recherche moderne et efficace basée sur le travail d’équipe, les échanges, la valorisation des travaux par la publication d’articles, etc. Fondamentalement, mes missions sont restées les mêmes. Il m’a par contre fallu m’adapter à un domaine professionnel radicalement différent. Comme particularités, je citerai la réactivité qui est une nécessité absolue sur ce type de poste, la grande diversité des missions à remplir et le travail colossal que représente la gestion de certains financements comme celui, par exemple, de l’European Research Council (ERC) obtenu par Matthieu Montes. Et je l’avoue, c’est pour ces mêmes raisons que j’aime mon travail !
J’arrive aujourd’hui au bout de mon parcours, voyant la retraite se profiler à l’horizon. Je suis entrée au Cnam par la petite porte et 44 ans plus tard, suis fière d’être fonctionnaire de catégorie A. Je crois que je dois cela à mon caractère : mon envie de bien faire mais aussi et surtout, mon envie de changement ; ne jamais se contenter d’une petite place confortable, toujours tenter de nouvelles activités professionnelles et m’engager en tant qu'élue dans les diverses instances du Cnam. Enfin, je pense que mon parcours est avant tout fait de rencontres dont certaines ont été décisives….
Qu'est-ce qui a changé en 40 ans ?
Avec le recul, je me rends compte qu’en 40 ans, j’ai été témoin de la progressive détérioration du système économique du pays : en 1973, trois banques s’arrachaient les services d’une gamine de 18 ans sans diplôme là où aujourd’hui, des jeunes bardé.e.s de diplômes hantent les couloirs des agences Pôle-Emploi.
Ensuite, impossible de ne pas dire un mot de la « révolution numérique » : dans mon cas les ordinateurs entrent dans ma vie alors que j’ai déjà 38 ans. Le Professeur Vélu ne m’a de toute façon pas laissé le choix ! Heureusement, entre un bon professeur et une certaine ouverture d’esprit, tout s’est bien passé ! Je n’ai depuis jamais arrêté d’apprendre sur ce sujet où les évolutions sont si rapides…
Mais, ce sont aussi ces nouveaux outils qui ont apporté l’un des changements dont je voudrais parler : les élèves ont disparu de nos horizons. Ne venant plus nous voir pour nous apporter leurs dossiers ou nous poser des questions, tout passant désormais, par e-mail, nos relations avec eux sont devenues virtuelles. Voilà aussi pourquoi je tiens beaucoup à me déplacer et aller à la rencontre de mes collègues au quotidien.
Enfin, plus anecdotique et plus drôle, je vais vous décrire le Cnam à mon arrivée… Plus drôle… Peut-être pas ! À cette époque, notre noble institution était un repaire de militaires en fin de carrière, grandes moustaches et rigidité de rigueur, et le moins que l’on puisse dire est que tout le monde « marchait à la baguette ». Les bureaux des services administratifs n’étaient remplis quasiment que de femmes, les horaires étaient respectés à la minute près et les ordres des chef.fe.s jamais contestés. Heureusement, passèrent les années 1970 amenant progressivement avec elles un vent de renouveau, la chute d’un certain nombre de barrières et la possibilité pour les « pétroleuses » comme moi, de s’exprimer et donner son avis ! [Rires]