Un super GPS pour sauver des vies
17 février 2014
Quel est l’objet de votre projet SYSNUR ?
L’idée de base de ce projet était de modéliser les connaissances et les expériences que les ambulanciers ont de leur territoire. En partant du réel, nous avons utilisé les traces de leurs trajectoires pour construire un modèle informatique et statistique de calcul d’itinéraires d’urgence. Le but final de ce projet est de contribuer à l’amélioration de la prise en charge des patients en raccourcissant le temps de trajet des véhicules d’intervention. Cette étude, menée dans le cadre d’une thèse, a duré trois ans et a été effectuée dans le département de La Sarthe, en collaboration avec le Service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR).
Pourriez-vous nous parler de la méthodologie utilisée pour calculer des itinéraires d’urgence ?
Nous avons équipé chaque ambulance d’un GPS et nous avons enregistré leurs itinéraires pour créer une base de données de trajectoires. En un an, près de 300 trajectoires exploitables ont ainsi été recueillies. Nous avons ensuite observé quel temps de parcours était nécessaire pour intervenir auprès des patients, en fonction du moment de la journée et des voies utilisées. En effet, ce temps varie si on se trouve en semaine ou en week-end, en période scolaire ou de vacances, ou selon la tranche horaire, mais également en fonction des caractéristiques physiques du territoire, comme le nombre et l’importance des voies choisies.
À partir de ces données et de plusieurs essais sur le terrain, nous avons pu établir un modèle qui calcule un temps moyen d’intervention en fonction du moment de la journée et des axes routiers choisis. Pour prendre en compte un certain degré d’incertitude, nous avons également essayé d’intégrer des données comme la météo, les embouteillages, les marchés ou les travaux sur la route.
Les trajectoires d’urgence issues de cette recherche sont, pour le moment, consultables sur un ordinateur fixe. Comme sur Mappy, on peut imprimer un parcours à un moment précis, ce qui peut servir à un nouvel ambulancier qui ne connaît pas encore sa zone d’intervention.
Quelle serait la suite idéale à ce projet ?
Une des perspectives possibles serait d’arriver à réaliser un véritable navigateur GPS « avancé » qui puisse intégrer toutes ces informations, mais aussi des informations en temps réel en provenance de sources externes, comme Météo France, pour modifier les données déjà contenues dans le modèle et améliorer le temps de prise en charge du patient.
Est-ce que votre méthode d’anticipation d’itinéraires pourrait être adaptée à d’autres contextes ?
Le procédé suivi peut être appliqué à d’autres véhicules d’urgence qui ont des comportements routiers spécifiques, comme les camions des pompiers. Il pourrait également être appliqué à d’autres catégories de véhicules, comme les taxis.
Il s’agit d’un projet multidisciplinaire : quelles sont les disciplines mobilisées ?
Des disciplines qui relèvent de l’informatique par le calcul des graphes (pour calculer les itinéraires) et pour l’architecture de visualisation ; de la statistique univariée et multivariée ; de la géographie quantitative.
La combinaison de ces disciplines dans le calcul d’itinéraires d’urgence participe à l’émergence d’une nouvelle thématique de recherche. Un autre projet porté par l’IGN sur le même thème vient de démarrer et le colloque « Quand la géomatique repousse ses frontières », organisé par l’Ecole Nationale des Sciences Géographiques en juin 2013, a consacré une matinée au sujet « les SIG à l’épreuve de l’urgence ».
Comment ce projet s’intègre-t-il dans les axes de travail du Laboratoire de géodésie et géomatique (L2G) ?
Ce projet était porté au sein de l’axe de recherche « SIG dynamiques ».
Les SIG sont des systèmes informatisés qui permettent d’intégrer, de gérer, d'analyser et d’afficher des données géographiques. Ces données peuvent être acquises de différentes façons : images satellitaires, relevés topographiques, tracés GPS… Les SIG peuvent servir à l’aménagement du territoire, par exemple pour la gestion des équipements, et constituent des outils d’aide à la décision au travers des cartes qui restituent les données.
Dans ce cadre, notre thématique de recherche se pose cette question : « Comment modéliser une base de données spatio-temporelle ? ». Nous cherchons donc à modéliser des données géographiques, mais aussi temporelles. Dans le cas du projet SYSNUR, il y a une composante spatiale (le réseau routier), mais aussi une composante temporelle (le temps qui varie en fonction du moment et de la route empruntée), et les deux servent au calcul d’itinéraires. C’est également le cas d’une autre thèse qui vise à prévoir la consommation et les besoins en eau agricole dans un bassin versant (composante spatiale) en fonction de scénarios climatiques (composante temporelle), et pour lequel nous avons créé une architecture SIG Internet qui modélise des données géographiques d’une manière dynamique.