Juliette El-Abiad

Doctorante, Université de Montpellier 3 et École d'Architecture de Montpellier

«Je travaille sur les ruines de guerre à Beyrouth dans le cadre de mon doctorat en architecture. C'est un sujet qui me captive complètement. Je travaille sur un corpus photographique -notamment de Gabriele Basilico et Mimmo Joddice- pour croiser l'étude des politiques patrimoniales italiennes qui sont très centrées sur l'identité alors que  Beyrouth est plus centrée sur l'amnésie et la disparition. J'interroge l'idée d'un temps suspendu, d'une mémoire des ruines, le désir de retrouver ce qui a été perdu, le processus de la ruine en tant que paysage architectural déconstruit - qui n'est pas encore un état zéro, mais presque. Beyrouth  s'acharnant à faire disparaitre les ruines et à faire oublier la guerre, à partir  de cet effacement des ruines,  je vais m'orienter vers les projets de reconstruction à Beyrouth, en travaillant avec des architectes et des artistes du projet Solidere, qui a été le grand projet de reconstruction de la ville.

La conservation des ruines et la volonté de les laisser telles quelles dans le paysage en témoignage de la guerre est une question intéressante - en lien avec la conservation et la protection du patrimoine. A Beyrouth c'est très compliqué puisque on a tout reconstruit, tout refait à neuf. Pourquoi les politiques ont-ils recherché une amnésie totale en faisant table rase du passé? Je dois aller y faire une étude de terrain. Par contre Berlin a conservé des traces visibles de ses ruines - notamment des églises qui ont été déconstruites par la seconde guerre mondiale. Je m'intéresse au travail des femmes qu'on a appelé les femmes des ruines (die Trümmerfrauen, littéralement les femmes des décombres). Ces femmes se mettaient à déblayer et à reconstruire la ville, mais s'attachaient aussi à garder la mémoire de la guerre. Les femmes semblent plus soucieuses de l'histoire et de leur histoire - de la transmission de la mémoire - que les hommes