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Les dangers des écrans

22 avril 2020

Depuis le début du confinement, il y a maintenant plus de six semaines, nous sommes nombreux à avoir bouleversé nos usages comme notre temps de consommation des écrans. Que ce soit pour télétravailler, suivre ses cours ou préparer la classe, passer le temps sans pouvoir mettre la tête ni les pieds dehors, faire ses courses, celles de premières nécessités comme les plus futiles, lire son journal dont les éditions papiers sont parfois devenues le Graal ultime...

Les dangers des écrans  

ECRANSDepuis le début du confinement, il y a maintenant plus de six semaines, nous sommes nombreux à avoir bouleversé nos usages comme notre temps de consommation des écrans. Que ce soit pour télétravailler, suivre ses cours ou préparer la classe, passer le temps sans pouvoir mettre la tête ni les pieds dehors, faire ses courses, celles de premières nécessités comme les plus futiles, lire son journal dont les éditions papiers sont parfois devenues le Graal ultime, se sentir proche de l’être aimé malheureusement confiné trop loin de soi... les ordinateurs, smartphones et autres téléviseurs sont devenus un prolongement plus ou moins conscient de notre corps et un intermédiaire de nos actions. Même chez celles et ceux qui, par réticence technologique, choix de vie ou appartenance à une génération du début de l’alphabet, s’étaient auparavant tenus éloignés de telles aventures numériques. 

Nul doute qu’il restera quelque chose de ces nouvelles pratiques plus que jamais connectées, nées par nécessité de faire face à la contrainte de l’enfermement durable et de l’éloignement forcé, bien après le déconfinement. Que ce soit par goût, habitude ou facilité, cet usage intensif des technologies numériques – écrans aujourd’hui, machines parlantes demain – subsiste, pour le meilleur et pour le pire. Car, derrière l’omniprésence de ces écrans dans nos existences quotidiennes se cachent aussi bien des bénéfices que des dangers. Une question qui mériterait qu’on lui accorde une place beaucoup plus importante dans le débat public bien au-delà des prises de position médiatiques trop souvent arcboutées sur une technophobie de base ou, au contraire, sur une idolâtrie béate. 

Prenons un seul exemple, qui en cette période de confinement concerne la majorité des familles françaises, celui des apprentissages et plus largement de l’éducation ou de la formation. Côté pile, les écrans peuvent être de précieux outils de médiation et d’apprentissage, comme DysApp, ce jeu vidéo développé par des chercheurs du Conservatoire et de l’Université de Poitiers pour détecter en milieu scolaire les enfants présentant un trouble dyslexique ou dyspraxique, et les aider dans l’acquisition de la lecture et de l’écriture. 

Côté face, comme l’alerte le spécialiste des neurosciences cognitives Michel Desmurget en s’appuyant sur de nombreuses études, les cinq années que la génération actuelle passe devant les écrans, de leur naissance à l’âge de 17 ans facilitent le développement de symptômes tels que l'anxiété, la distraction, l’impulsivité ou l’hyperactivité, comportements peu propices à l’appropriation des enseignements. Surtout, pour les plus jeunes, les écrans ne permettraient pas de solliciter les neurones miroirs, ceux nécessaires à l’apprentissage par imitation. C’est ce qu’une équipe de chercheurs américains appelle le « déficit vidéo ou déficit de transfert ».

  Sur la tranche enfin la consommation de contenus numériques ne serait ni bonne ni mauvaise ou plutôt, comme pour l’obésité et la malbouffe, les excès ne seraient que la conséquence d’une pratique déviante ou d’un usage immodéré. Ce serait donc au consommateur de s’autogérer, de réguler sa consommation, de ne se focaliser que sur les effets bénéfiques. Une tranche qui ne permet pas toujours à l’argument de rester debout face à la contradiction puisque l’on sait par exemple que les industries du jeu vidéo développent des modèles mathématiques permettant d’influencer la rétention, c’est-à-dire la volonté de continuer à jouer... 

 Pour essayer de dresser un large panorama des usages et mésusages des écrans, le Conservatoire avait reçu Michel Desmurget, à l’occasion de la dernière Fête de la science, pour la parution de son ouvrage La fabrique du crétin digital. Les dangers des écrans pour nos enfants. De notre côté, en toute connaissance de cause, nous sommes convaincus que nous préférerons toujours, à leurs avatars numériques, échanger nos idées devant un paperboard gribouillé dans une vraie salle de réunion, assister à de nombreuses conférences de vulgarisation scientifique depuis les fauteuils, plus ou moins confortables, d’un amphithéâtre, regarder le soleil doucement se lever depuis le Pic Cassini, acheter nos crustacés directement à la criée du port des Sables d’Olonne, faire bruisser les feuilles de nos journaux et de nos magazines en les feuilletant, sentir la caresse et la douceur d’un baiser... 

Ariane Batou-To Van & Yvan Boude 

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