Le cnam mag' #9 - page 36

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mag'
Vers un monde virtuel connecté
avec la diversité du réel
C
omme tous les adultes d’aujourd’hui l’ont proba-
blement remarqué, le jeu vidéo est passé, en une
quinzaine d’années, du statut de « responsable
de tous les maux » à celui de « remède universel »
1
. Il
serait même en passe de devenir le catalyseur privilégié
pour faire bouger les lignes des questions de société et
notamment celles de l’inclusion.
Serious games/applied
games/games for a purpose
représentent aujourd’hui
les exemples les plus tangibles des innovations d’ordre
sociétal dans l’univers des jeux vidéo. Que ce soit pour
apprendre, convaincre, soigner, sensibiliser, les jeux
vidéo apparaissent comme des médiateurs incontour-
nables. Parmi les plus récents, on notera
The evolution
of trust
,
Bury me my love
ou
The uber game
. Ces jeux
participent à une plus large inclusion des citoyens, en
proposant des lectures alternatives de nos environne-
ments quotidiens.
Représenter la société dans toute sa diversité
Les jeux vidéo peuvent véhiculer des signaux forts,
offrant des visions plus justes ou actualisées de nos
sociétés, en les représentant dans toute leur diversité.
Dans
Forza 7
, nous pouvons choisir un avatar masculin
ou féminin, ce qui aurait semblé complètement sau-
grenu il y a quelques années encore. Dans l’environne-
ment Xbox, il est possible de régler bon nombre de
détails physionomiques (âge, couleur de peau, taille,
genre...), mais aussi d’opter pour un avatar en fauteuil
roulant. Un fauteuil roulant peut même se transformer
en contrôleur de jeu (voir le projet
Old Wheels
2
) et cer-
taines propositions vidéoludiques mettent en scène des
personnages handicapés comme Lester Crest dans
Grand Theft Auto V
.
Mais l’univers des jeux vidéo ne se limite pas à l’objet. Il
draine avec lui un écosystème diversifié qui rivalise lar-
gement avec les industries culturelles plus anciennes,
comme le livre, la musique ou le cinéma. Les innovations
y sont légion, certainement bien plus encore qu’ailleurs.
Prenons par exemple l’association
Women in Games
,
qui agit pour une reconnaissance plus juste des femmes
dans les différents secteurs du jeu vidéo. Je n’ai pas
connaissance de mouvement équivalent dans d’autres
secteurs, comme un
Women in Banks
ou
Women in
Factories
, et non pas parce que les femmes n’évoluent
pas dans ces secteurs, mais bien parce que celui du jeu
vidéo est différent et permet de voir des choses origi-
nales s’y produire.
Qui dit choses différentes dit également personnes diffé-
rentes et le jeu vidéo permet d’aborder la question du
jouer différemment. Jusqu’à présent négligé, le statut
des joueurs handicapés devient progressivement une
des questions phares du
gaming
. Pour exemple, la der-
nière édition du
Paris Games Week
, le grand rendez-
vous annuel dédié aux jeux, a accueilli, pour la première
fois de son histoire, l’association Capgame
3
, qui œuvre
pour l’accessibilité des jeux vidéo et l’inclusion des
joueurs handicapés. C’est un signal fort lancé par le
Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, tant en
direction du grand public que des développeurs et des
éditeurs. D’autres initiatives émergent aujourd’hui
comme
Handigamer
,
Game Lover
,
JustOneHand
ou
Five’sTV
. La semaine #TousGamers
4
, portée par Xbox
France et le Cnam, traduit parfaitement le rôle que peut
jouer le jeu vidéo sur ces questions de société.
L’e-sport, laboratoire des pratiques?
La scène de l’e-sport pourrait prochainement être le lieu
de convergence de toutes ces dynamiques. La pratique
compétitive du jeu vidéo deviendrait un véritable labora-
toire de pratiques sociales et techniques. Calquée sur les
codes des sports traditionnels, elle favorise l’investisse-
ment, la reconnaissance et le dépassement de soi, la
compétition, l’émulation réciproque, l’expression de la
technicité. Par sa dimension spectacle, elle permet de
communiquer ces valeurs au-delà des compétiteurs,
vers les spectateurs. Comme l’ont été avant elle les pra-
tiques sportives compétitives, elle portera des messages
forts, des modèles de pratiques, de relations interindivi-
duelles, d’organisations ainsi qu’un territoire privilégié
d’innovations technologiques.
En faisant preuve d’une grande capacité d’innovation, l’univers du jeu vidéo s’est engagé en faveur
d’une meilleure inclusion de toutes les composantes de la société. Une action particulièrement sen-
sible dans le domaine du handicap.
Jérôme
Dupire
1:
«Le handicap
n’a pas encore
beau jeu»,
Cnammag’
#6,
novembre 2016.
2:
http://
oldwheelsgame.
tumblr.com/
3:
http://
capgame.fr
4:
http://
recherche.cnam.
fr/nos-experts-
temoignent/
tousgamers-
jeux-video-et-
accessibilite-
971646.kjsp
1...,26,27,28,29,30,31,32,33,34,35 37,38,39,40,41,42,43,44,45,46,...52
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