Le Cnam mag' #7 - page 40

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Vous pointez un système éducatif en proie à des
difficultés accrues et accusant un fort retard par
comparaison à ses voisins européens...
L’enquête TIMSS
1
nous montre que les élèves français de
CM1 sont ceux qui entretiennent avec les mathéma-
tiques et les sciences le rapport le plus difficile. Selon
ces enquêteurs, seuls 61% des enseignants français se
sentent à l’aise pour améliorer la compréhension de
leurs élèves contre 79% en Europe. Les jeunes Français
lisent également moins bien que la moyenne de leurs voi-
sins européens. L’enquête Pisa
2
a montré que les perfor-
mances des élèves français diminuent au fil des années
avec une augmentation des écoliers les plus en difficulté.
L’origine sociale des parents conditionne massivement la
trajectoire scolaire des enfants. Entre 2011 et 2015, le
nombre d'élèves issus des milieux socioéconomiques
défavorisés obtenant malgré tout d’excellents résultats
dans le système éducatif français est par exemple passé
de 7,5% à 3%. Alors que dans le même temps, l’Alle-
magne voit cette même part augmenter de 5,6% à 8,7%.
Cette situation ne peut pas nous laisser indifférents.
Les difficultés du système éducatif français sont concen-
trées sur l’école maternelle et élémentaire. Les politiques
publiques d’apprentissage sont en situation de décéléra-
tion et la formation professionnelle est puissamment
anti-redistributive. Ainsi, cinq chômeurs sur six n’ont
pas accès à des formations pour améliorer leurs compé-
tences. Les études sur le taux d’emploi des jeunes
laissent apparaître des divergences fortes, qui se
creusent depuis la crise financière de 2008.
Face à ces difficultés, quelles solutions
proposez-vous?
D'abord d’améliorer la courbe de financement de l’édu-
cation nationale, car l’enseignement secondaire – le
lycée particulièrement – reçoit actuellement des
financements importants et le déséquilibre se creuse au
détriment du primaire. Par ailleurs, la place de l’enfant
dans le système scolaire doit être repensée. Son déve-
loppement et son bien-être sont primordiaux. Or, les
précédentes réformes ne les ont pas placés au centre
des considérations. La réforme des rythmes scolaires
n’a par exemple pas servi leur cause. Il aurait fallu oser
diminuer les vacances d’été contre la suppression de la
demi-journée de cours supplémentaire. Ne dispenser
aucun cours pendant deux mois est une mauvaise
mesure.
D'autre part, les politiques publiques éducatives doivent
laisser davantage de liberté au terrain. Une refonte de la
formation continue des enseignants s’impose. Sur le mil-
liard d’euros consacré à la formation des enseignants,
une part trop marginale est consacrée à l’achat d’heures
de formation.
Il faudrait aussi améliorer l’autonomie des établisse-
ments scolaires. Les directeurs d’écoles primaires ont
très peu de pouvoir. Dans le secondaire, les équipes
doivent disposer d’une marge de manœuvre afin de des-
siner des projets permettant de différencier les
établissements.
Enfin, il n’y a pas d’autonomie sans responsabilité.
Celle-ci se niche dans l’évaluation. L’association Agir
pour l’école déploie par exemple des méthodes insufflées
par la psychologie cognitive dans des territoires sen-
sibles pour évaluer les gains en lecture des élèves.
Certaines classes concentrent entre 5% et 10% d’élèves
en grande difficulté en matière de conscience phonolo-
gique, d’autres 15-20%, ou 40, voire 75%! Ces résultats
prouvent qu’une politique homogène ne peut être effi-
cace, compte tenu de l’hétérogénéité des classes. Tous
les établissements secondaires doivent être évalués au
moins une fois tous les trois ans, le diagnostic doit être
Construire l'avenir
Notre système a démocratisé
l’accès à l’enseignement
mais pas la réussite»
Après une première séance consacrée à l’industrie française, et en amont d’une autre dédiée au
Big
Data
, le club de réflexion Construire l’avenir, initié par le Cnam, s’est penché avec Laurent Bigorgne,
directeur de l’Institut Montaigne et président des associations Agir pour l’école et
Teach for France
,
sur le système éducatif français. Interview.
1:
Third
International
Mathematics and
Science Study
.
2:
Program for
International
Student
Assessment.
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