Le Cnam mag' #7 - page 32

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mag'
Chronique d’une révolution
culturelle
A
u commencement était la VAP85. Prélude à la
VAE, la validation des acquis professionnels
(VAP) offre aux personnes qui n’ont pas le niveau
requis la possibilité d’accéder à l’enseignement supé-
rieur. Instaurée en 1985, elle répond à un réel besoin : en
France, où la culture de la certification est solidement
ancrée, 40 % de la population de plus de 15 ans ne
déclare alors aucun diplôme.
1
Première étape pour endi-
guer ce phénomène, la VAP est renforcée par la réforme
de 1992, qui reconnaît et valide des acquis profession-
nels en vue d’obtenir des dispenses de modules de for-
mation. Mais le dispositif est loin d’obtenir le succès
escompté. La secrétaire d’État à la Formation profes-
sionnelle, Nicole Péry, s’empare alors du dossier, esti-
mant qu’il faut diversifier les voies d’accès aux titres et
diplômes. Et, en janvier 2002, la loi de modernisation
sociale instaure la validation des acquis de l’expérience,
le congé pour VAE, ainsi que la Commission nationale de
la certification professionnelle. Grâce à cette démarche
innovante d’obtention des certifications, le passage par
la formation n’est plus la seule voie d’accès au diplôme.
Vincent Merle, figure de proue de la VAE
Le Conservatoire est l’un des premiers à s’emparer du
dispositif. «
L’acquisition des compétences par l’expé-
rience est une valeur phare de notre établissement
,
relève Patricia Guihard, alors en poste dans le centre
des Pays de la Loire.
Et cette démarche s’inscrivait dans
la continuité de la mise en place de la VAP sur laquelle
nous étions déjà impliqués
. » Pour les aider, les équipes
du Conservatoire sont bientôt rejointes par Vincent
Merle, blanchi sous le harnais ministériel : jusque-là,
directeur de cabinet de Nicole Péry, il a œuvré à l’élabo-
ration de la VAE. Nommé professeur en 2003, il crée la
chaire Travail, Emploi et Acquisitions professionnelles et
transmet sa foi pour la VAE. «
En rupture avec une
conception qui fait de l’excellence scolaire un élément
décisif de la réussite professionnelle et sociale,
[la loi de
2002]
tente de développer des formes de reconnaissance
des aptitudes et des compétences ouvrant de réels
espaces de mobilité et de progression professionnelle
»,
proclamait-il .
Or, tout est à mettre en place : «
Nous réfléchissions à la
meilleure manière d’orienter et d’aider les candidats, de
nous adapter aux différents publics. Rapidement nous
avons créé des accompagnateurs
», se souvient Patricia
Guihard.
Pierre d’achoppement
Ce travail est d’autant moins simple que la menace d’une
dévalorisation des diplômes, brandie dans les réunions
préparatoires à la loi, couve encore dans l’esprit de cer-
tains. Les interrogations de l’époque portent alors
notamment sur l’éventuel remplacement de la formation
par la VAE et sur les façons d’évaluer la production d’ap-
titudes et de connaissances par l’expérience.
Pour lutter contre les validations partielles de diplômes
alors courantes, le Conservatoire mise sur son réseau et
ses compétences pédagogiques afin de former les
accompagnateurs et les accompagnatrices. En paral-
lèle, l’établissement agit pour mieux encadrer les procé-
dures ainsi que les candidats et candidates. Entre 2009
et 2012, le nombre de validation totale passe ainsi d’envi-
ron 67 à 239. Enfin, le Cnam adopte en 2013, une charte
de l’accompagnement à la VAE. De quoi favoriser dura-
blement ce dispositif, cher au cœur de Vincent Merle qui
y voyait «
un véritable levier de changement. Il convient
d’en faire vraiment un élément qui changera le regard
porté sur le travail
»
2
.
Dans le même temps, ce dispositif a aussi bénéficié de
nombreuses évolutions. Dernière en date, le compte per-
sonnel d’activité, instauré par la loi du 8 août 2016, qui
prévoit notamment de recenser toutes les activités béné-
voles ou volontaires, facilitant la reconnaissance des
compétences acquises.
Aurélie Verneau
Entrée en vigueur en janvier 2002, la validation des acquis de l’expérience (VAE) fête cette année ses
15 ans. Si elle fait aujourd’hui partie de nos ressources pour évoluer professionnellement, sa créa-
tion a constitué une véritable révolution culturelle. Au cœur de ce mouvement, le Conservatoire fut,
parmi les établissements de l’enseignement supérieur, fer de lance de son déploiement. Détour par
l’histoire.
1:
D’après le
recensement
général de la
population en 1982.
2:
Vincent Merle,
«Genèse de la loi
de janvier 2002
sur la validation
des acquis de
l’expérience.
Témoignage d’un
acteur»,
Revue de
l’Ires
, n°55, mars
2008.
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