 
          
            mag'
          
        
        
          
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            Trois questions à...
          
        
        
          Quelles sont les grandes tendances de l’innovation
        
        
          aujourd’hui ?
        
        
          Nous sommes dans une période de transition qui se
        
        
          caractérise par une intensification des innovations : elles
        
        
          sont plus nombreuses avec des cycles courts d’appari-
        
        
          tion, dans des champs ou des secteurs variés. Si nous
        
        
          parlons beaucoup des innovations «de rupture», c’est-
        
        
          à-dire celles qui remettent en cause l’identité des objets,
        
        
          au contraire des innovations de soutien qui viennent ren-
        
        
          forcer l’existant, elles ne représentent en réalité qu’une
        
        
          faible proportion du total des innovations mais
        
        
          marquent les enjeux de la transition.
        
        
          L’innovation technologique fait l’objet d’un véritable tro-
        
        
          pisme. En effet, la technologie fascine et représente des
        
        
          ruptures visibles : le transistor, le laser ou le GPS ont fini
        
        
          par arriver dans nos vies et engendrer de nouveaux
        
        
          usages. Songeons aux effets du Minitel sur la culture et
        
        
          les pratiques numériques des Français. Mais l’innova-
        
        
          tion technologique n’est qu’une partie du phénomène. Il
        
        
          ne faut pas en particulier réduire les innovations au
        
        
          champ numérique. Des innovations sociales, sportives
        
        
          ou culturelles participent aussi de la révision du
        
        
          
            domi-
          
        
        
          
            nant design
          
        
        
          .
        
        
          Pour engendrer la rupture, il faut modifier la fabrique
        
        
          même de l’innovation. Nous avons épuisé les effets des
        
        
          anciens systèmes productifs et des modes traditionnels
        
        
          de gestion de l’innovation. Or pour nos sociétés, l’enjeu
        
        
          est de comprendre le phénomène mais aussi de le régu-
        
        
          ler. Les listes des tendances contemporaines sont nom-
        
        
          breuses, mais plutôt que de les recenser, c’est aux
        
        
          conséquences en matière d’action collective qu’il faut
        
        
          s’intéresser.
        
        
          Quels sont les moteurs de l’innovation?
        
        
          De manière très générale, il existe deux «moteurs »
        
        
          indispensables : les connaissances et les concepts d’une
        
        
          part. Les connaissances sont très développées à notre
        
        
          époque et plus facilement accessibles et partageables.
        
        
          L’autre ressource est la créativité, la capacité à engen-
        
        
          drer des idées nouvelles et pertinentes. Sur cette double
        
        
          base, en s’organisant et en se finançant, il est possible de
        
        
          fabriquer de l’innovation.
        
        
          Celle-ci ne doit pas être confondue avec une invention.
        
        
          Au contraire de cette dernière, l’innovation se diffuse et
        
        
          est alors perçue comme créatrice de valeur : d’usage,
        
        
          économique, symbolique...
        
        
          Depuis sa création, l’innovation occupe une place
        
        
          importante au Conservatoire. Comment expliquez-
        
        
          vous cela?
        
        
          Le Conservatoire a été créé en 1794, en pleine première
        
        
          révolution industrielle. À l’époque, la France accusait un
        
        
          retard économique face à l’Angleterre. «
        
        
          
            Perfectionner
          
        
        
          
            l’industrie nationale
          
        
        
          » fut l’un des mots d’ordre à la créa-
        
        
          tion du Conservatoire. Inscrit au cœur du projet initial, il
        
        
          s’agissait bien de constituer une «machine » à former
        
        
          les artisans, les industriels et les citoyens au meilleur
        
        
          état de l’art, dans tous les domaines.
        
        
          Par ailleurs, à partir de 1819, l’apparition des premières
        
        
          chaires permet de positionner le Conservatoire au front
        
        
          de taille des sujets innovants. Les chaires permettent à
        
        
          l’établissement d’être précurseur dans le contenu des
        
        
          enseignements dispensés, en marge des savoirs «clas-
        
        
          siques » des universités, des écoles d’ingénieurs ou de
        
        
          commerce. Par exemple, au tout début du vingtième
        
        
          siècle, à l’initiative du ministre socialiste de l’Industrie
        
        
          Alexandre Millerand, le Conservatoire met en place des
        
        
          conférences pratiques sur la prévention des accidents
        
        
          de travail. En 1905 un cours sur l’hygiène industrielle est
        
        
          créé, cours qui deviendra une chaire en 1912. Parce que
        
        
          le Cnam a toujours été en contact avec les industriels,
        
        
          les entrepreneurs et les professionnels, il se situe sur la
        
        
          ligne de crête de l’innovation. C’est un établissement qui
        
        
          a aussi historiquement innové pédagogiquement avec
        
        
          l’ens e ignement par la démons tr ati on ou l e
        
        
          télé-enseignement.
        
        
          
        
        
          Propos recueillis par Aurélie Verneau
        
        
          Gilles Garel est professeur du Conservatoire national des arts et métiers sur la chaire de gestion
        
        
          de l’innovation et chercheur au Laboratoire interdisciplinaire de recherches en sciences de l’action
        
        
          (Lirsa) du Cnam. Avec Loïc Petitgirard, maître de conférences en histoire des sciences et des tech-
        
        
          niques au Cnam, il a lancé le 9 janvier dernier, la première saison du Mooc
        
        
          
            Fabriquer l’innovation
          
        
        
          sur la plateforme Fun.
        
        
          Actualités
        
        
          Un Mooc sur la fabrique de l’innovation
        
        
          Lancée le 9 janvier sur la plateforme France université
        
        
          numérique (FUN), la première saison du Mooc
        
        
          (
        
        
          
            Massive Online Open Course
          
        
        
          )
        
        
          
            Fabriquer l’innovation
          
        
        
          décrypte durant quatre semaines l’histoire des proces-
        
        
          sus créatifs. En s’appuyant notamment sur les objets
        
        
          emblématiques du Musée des arts et métiers, les
        
        
          enseignants Gilles Garel et Loïc Petitgirard ont croisé
        
        
          les perspectives gestionnaire et historique pour retra-
        
        
          cer les processus de conception en les resituant dans
        
        
          leur contexte politique, social, technologique et
        
        
          managérial.