Le Cnam mag' #7 - page 23

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Trois questions à...
Quelles sont les grandes tendances de l’innovation
aujourd’hui ?
Nous sommes dans une période de transition qui se
caractérise par une intensification des innovations : elles
sont plus nombreuses avec des cycles courts d’appari-
tion, dans des champs ou des secteurs variés. Si nous
parlons beaucoup des innovations «de rupture», c’est-
à-dire celles qui remettent en cause l’identité des objets,
au contraire des innovations de soutien qui viennent ren-
forcer l’existant, elles ne représentent en réalité qu’une
faible proportion du total des innovations mais
marquent les enjeux de la transition.
L’innovation technologique fait l’objet d’un véritable tro-
pisme. En effet, la technologie fascine et représente des
ruptures visibles : le transistor, le laser ou le GPS ont fini
par arriver dans nos vies et engendrer de nouveaux
usages. Songeons aux effets du Minitel sur la culture et
les pratiques numériques des Français. Mais l’innova-
tion technologique n’est qu’une partie du phénomène. Il
ne faut pas en particulier réduire les innovations au
champ numérique. Des innovations sociales, sportives
ou culturelles participent aussi de la révision du
domi-
nant design
.
Pour engendrer la rupture, il faut modifier la fabrique
même de l’innovation. Nous avons épuisé les effets des
anciens systèmes productifs et des modes traditionnels
de gestion de l’innovation. Or pour nos sociétés, l’enjeu
est de comprendre le phénomène mais aussi de le régu-
ler. Les listes des tendances contemporaines sont nom-
breuses, mais plutôt que de les recenser, c’est aux
conséquences en matière d’action collective qu’il faut
s’intéresser.
Quels sont les moteurs de l’innovation?
De manière très générale, il existe deux «moteurs »
indispensables : les connaissances et les concepts d’une
part. Les connaissances sont très développées à notre
époque et plus facilement accessibles et partageables.
L’autre ressource est la créativité, la capacité à engen-
drer des idées nouvelles et pertinentes. Sur cette double
base, en s’organisant et en se finançant, il est possible de
fabriquer de l’innovation.
Celle-ci ne doit pas être confondue avec une invention.
Au contraire de cette dernière, l’innovation se diffuse et
est alors perçue comme créatrice de valeur : d’usage,
économique, symbolique...
Depuis sa création, l’innovation occupe une place
importante au Conservatoire. Comment expliquez-
vous cela?
Le Conservatoire a été créé en 1794, en pleine première
révolution industrielle. À l’époque, la France accusait un
retard économique face à l’Angleterre. «
Perfectionner
l’industrie nationale
» fut l’un des mots d’ordre à la créa-
tion du Conservatoire. Inscrit au cœur du projet initial, il
s’agissait bien de constituer une «machine » à former
les artisans, les industriels et les citoyens au meilleur
état de l’art, dans tous les domaines.
Par ailleurs, à partir de 1819, l’apparition des premières
chaires permet de positionner le Conservatoire au front
de taille des sujets innovants. Les chaires permettent à
l’établissement d’être précurseur dans le contenu des
enseignements dispensés, en marge des savoirs «clas-
siques » des universités, des écoles d’ingénieurs ou de
commerce. Par exemple, au tout début du vingtième
siècle, à l’initiative du ministre socialiste de l’Industrie
Alexandre Millerand, le Conservatoire met en place des
conférences pratiques sur la prévention des accidents
de travail. En 1905 un cours sur l’hygiène industrielle est
créé, cours qui deviendra une chaire en 1912. Parce que
le Cnam a toujours été en contact avec les industriels,
les entrepreneurs et les professionnels, il se situe sur la
ligne de crête de l’innovation. C’est un établissement qui
a aussi historiquement innové pédagogiquement avec
l’ens e ignement par la démons tr ati on ou l e
télé-enseignement.
Propos recueillis par Aurélie Verneau
Gilles Garel est professeur du Conservatoire national des arts et métiers sur la chaire de gestion
de l’innovation et chercheur au Laboratoire interdisciplinaire de recherches en sciences de l’action
(Lirsa) du Cnam. Avec Loïc Petitgirard, maître de conférences en histoire des sciences et des tech-
niques au Cnam, il a lancé le 9 janvier dernier, la première saison du Mooc
Fabriquer l’innovation
sur la plateforme Fun.
Actualités
Un Mooc sur la fabrique de l’innovation
Lancée le 9 janvier sur la plateforme France université
numérique (FUN), la première saison du Mooc
(
Massive Online Open Course
)
Fabriquer l’innovation
décrypte durant quatre semaines l’histoire des proces-
sus créatifs. En s’appuyant notamment sur les objets
emblématiques du Musée des arts et métiers, les
enseignants Gilles Garel et Loïc Petitgirard ont croisé
les perspectives gestionnaire et historique pour retra-
cer les processus de conception en les resituant dans
leur contexte politique, social, technologique et
managérial.
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